Instrument de terreur au service du pouvoir.
Incubus
Ciel tendu. Profond. De toute la journée, pas un nuage. Un vent rapide agite l’arbre. Les oiseaux tournent au-dessus des anciennes écoles. Je traduis pendant des heures. Parfois, un morceau de toit tombe sur le plancher- je ramasse, je jette. A la pause, je lis Saint-Ignace de Loyola. Son autobiographie, dictée à un autre jésuite, le père Gonçalves da Camara. Etrange fascination de fondateur de l’ordre pour la légende chevaleresque (il est alors en route pour Jérusalem). Pas assez avancé dans le texte, pour opiner plus avant. Retour aux difficultés de l’espagnol (ma traduction), langue peu faite pour la philosophie et les arguments architecturés. Langue terrienne. Colorée, vivace, aujourd’hui dépouillée des “conceptismes” et complications baroques, mal à l’aise avec les énoncés techniques, qu’elle importe en vrac. A la fin du jour, musique extrême et tour du village. Aussitôt lancé, je me ravise: si je rencontrais quelqu’un il faudrait échanger — je n’en ai aucune envie. Et je rentre. Trois minutes hors du foyer d’incubation.
Local
Ce soir, après trois jours d’un silence impeccable, réunion dans la rue. Assis sur mon porche, un verre de bière en main, je fais face à A. le guide de montagne qui depuis vingt-huit jours un détecteur de la taille d’une machine à laver sur le dos fait résonner les couches tectoniques des cordillères pour le compte de l’institut géologique. Nous rejoint le paysan, un seau de graines à la main: il est l’heure de nourrir les poules. Il va à la rivière. Revient. Nous parlons de la future autoroute. Annoncée depuis dix ans. Qui finira par passer. Bien qu’elle soit à 18 kilomètres d’Agrabuey, chacun redoute pour son porte-monnaie. Sont surtout incriminés les Basques de Saint-Sébastien. Ils feront monter les prix, vous verrez! Au bout de la rue, qui prend le soleil, nous apercevons Cruz-María, la fabricante de savons. Elle remonte la rue, montre les fleurs qu’elle a cueillie: aussitôt grand débat, sont-elles comestibles? Enfin, venant de l’église, jouant de la canne comme s’il s’agissait d’un fleuret Diabolo, le pédagogue, professeur de lettres et de philosophie, qui parle seul, sait tout et le reste. La conversation est monopolisée. Il parle de champignons. Le paysan qui arpenterait ses monts les yeux fermés veut lui dire qu’il n’a pas pu les trouver à telle altitude, tel jour, dans tel pré; l’autre persiste. Peu à peu, chacun trouve une excuse. Lui parti, nous revenons — dans notre rue — et poursuivons. Avant de rentrer (la nuit est tombée), j’emprunte un thermomètre pour voir si le fungus aux c… fait réagir le corps, puis je me verse du Somontano, de la bière, mange un chou-fleur et des Rigatoni, achète des livres sur internet, regarde un match de MMA, dessine, lis, m’occupe de mon fungus.
Attentat (Villeurbanne-France) 2
Comme il se rend à un concert, un adolescent est assassiné par un Afghan, immigré fou furieux, qui erre depuis dix ans à travers l’Europe, à charge de l’Etat entre statuts privilégiés, argent gratuit et rapines. Annonce des juges après le massacre (huit victimes au moins): l’enquête dira si l’auteur de l’attentat est responsable de ses actes. Au-delà des faits, j’imagine les parents de ce garçon de 19 ans. Dans la semaine, ils sont verbalisés par un agent pour avoir mal garé leur voiture (elle empiétait sur une ligne blanche) et reçoivent un rappel pour “dépassement” du délai de paiement de la facture d’électricité, deux jours de retard avec, à la clef, énonciation des droits de coupure de la centrale — ceci en conformité avec la loi. L’Etat est criminel. L’Etat est administré par des criminels. En face de nous, gens simples, de chair et de sang, se tient un pouvoir criminel et maffieux. Il doit être supprimé.