Âmes télépathiques

La nuit, comme je dors, je me grat­te la tête ou je crois que je me grat­te la tête et présente devant mes yeux endormis, ser­rés entre deux pla­que­ttes de verre mou de la taille d’un doigt, cent par­a­sites cir­cu­lant à haute vitesse; je descelle les plaques et amusé, les regarde se répan­dre sur notre dou­ble lit et sur Gala avant de rep­longer dans le meilleur des som­meils. Le lende­main, je racon­te ceci à Gala, qui me dit: “j’ai vu tomber cette pla­que­tte, mais les petites bêtes qui s’échap­paient n’avaient rien de ras­sur­ant, alors je les ai bal­ayées. Elles venaient de toi? Elles émanaient donc de ton rêve…?”
- Oui, oui.

Redite

Ce que la bour­geoisie mal­faisante, retranchée et très peu libéral a bien com­pris, c’est que les immi­grés qu’elle importe, après incu­ba­tion, souhait­ent pour leur progéni­ture une com­plète réus­site, c’est à dire la réal­i­sa­tion par le sac­ri­fice de la force de ce rêve matériel et médiocre que l’on nous a ven­du dans les années 1960 et qui a essoré l’e­sprit des meilleurs blancs, ceux qui por­taient réelle­ment le pro­grès et l’échap­pée, de sorte que nous allons tout droit vers la répéti­tion du cycle, machinique et néfaste, mais pour la minorité enrichissant.

Compression

La forêt est au loup, ce que le panier est au chien, un monde.

Accès à la nourriture 2

Scru­tant à tra­vers le dou­ble vit­rage soix­ante-qua­tre sachets de salade prélavée, ils com­par­ent les prix et cherchent celle qui pour­rait, sans amput­er le bud­get, assur­er leur bonheur.

Liliput

Mon­tre en main, je fais le tour Bulle-L’E­ti­vaz-Les Moss­es afin de savoir si je serai assez isolé là-bas, sur le haut. La route est ser­rée, ban­cale, les glis­sières sont proches. Rossinière est dans le trou, après quoi le paysage se dresse. A la sor­tie de la forêt, c’est le plateau de La Lécherette: j’aime — une endroit abstrait, non-situé. Sap­ins noirs, plaine claire. Des mamans poussent des traîneaux sur de la mau­vaise neige, emmi­tou­flés les goss­es s’ap­pliquent pour réus­sir leurs pre­mières descentes. Avant Les Moss­es, je met la Dacia dans le talus et tire de ma poche les annonces de maisons en vente. Comme il se doit, les ren­seigne­ments sont impré­cis. Sur la pho­to, une riv­ière, peut-être un ruis­seau. Les colonies de vacances, les cars fumeurs et les ran­don­neurs cachent l’ac­cès, bref, je ne trou­ve pas, et me voici au Sépey, vil­lage que j’ai décrit en 1999 dans Trois diva­ga­tions sur le Mont Arto. Je ne sais plus ce que j’en dis­ais, qui devait être roman­tique, aidé que j’é­tais par l’ef­fort de gravir la côte sur mon vélo à sacoches, mais je le trou­ve cet après-midi aus­si vau­dois que prim­i­tif, et Suisse, qu’on en juge: tan­dis que je cherche la “belle mai­son à façade bernoise de 1777 qui vous enchantera”, un polici­er bedonnant sort du poste de police cen­tral, amende deux voitures. Or, nous sommes dimanche. Plus tard, je suis chez Mon­frère, à boire et écouter sur son tourne-disque fraîche­ment acquis, des 45t de Dis­charge, Crass, GBH… et Liliput, le groupe de bernois­es, tou­jours aus­si solide trente ans après publication.

Leibnitien

Eh bien, nous allons à Mala­ga, dans un hôtel, sur la plage, à quelques mètres de l’an­cien domi­cile, mais ce qui est drôle, c’est la rai­son de ce déplace­ment (du moins pour Gala): elle a gardé le con­tact d’une dame qui pos­sède une machine chi­noise HUFI capa­ble de traiter les plis du vis­age- ren­dez-vous est pris.

Bière

Envelop­pé dans des cou­ver­tures, des pulls, des nappes, Mon­père me fait livr­er trente bouteilles de Pilsen­er-Urquell tchèque achetées en route par les démé­nageurs hon­grois qui vident une fois encore le bunker de Territet.

Monde

Aug­men­ta­tion du nom­bre de valises.

Ouchy

Eau plate et claire, soleil par­fait, à l’hori­zon mon­tagnes de France ce ven­dre­di; mag­nifique Léman devant lequel je déam­bu­lais avec ma fille Luv, haute, fine, sur talons, comme je déam­bu­lais autre­fois, à l’âge de sept ans, emmené par mon grand-père.

Accès à la nourriture

Nos super­marchés suiss­es sont la matéri­al­i­sa­tion du cauchemar social que nous vivons: prix vex­a­toires, hygiénisme, mono­pole, mélange racial et lin­guis­tique (à l’in­stant une anglo­phone demandait com­ment faire pour les sacs poubelle, cette sci­ence d’E­tat) et cas­tra­tion: nul n’ose plus regarder, par­ler, agir, croulant sous le fardeau de la mau­vaise con­science et, en effet, cha­cun de nous est respon­s­able et, du fait de l’emmurement dans le silence, plutôt deux fois qu’une.