Preparez-vous à ne pas croire l’Etat.
Littérature
Les proches ne vous lisent pas de crainte de découvrir ce que vous pensez. Ceux qui aiment lire, lisent peu ou pas, faute de temps. Quant à ceux qui ne lisent pas, ils ne lisent pas. En fin de compte, seul lisent ceux qui écrivent. Pour écrire ou pour s’assurer que les autres écrivains n’écrivent pas mieux qu’ils ne le font.
Axarquie 2
Routine agréable sur ce front de mer. Les gens prennent le temps, boivent et rient et mangent, font des enfants (peu), grossissent et maigrissent, achètent des chiens (petits) et les montrent, vivent surtout pour les matchs de foot, toujours les mêmes, Real contre Atletico, aller et retour. Cependant, le monde tourne — ce qui ne saurait affecter ces bienheureux.
Après la vie
Jeune vieillard à la table voisine, Uruguayen immigré à Hambourg. Il passe chaque année les mois d’hiver à Rincon, sur la plage, avec sa femme (chez le coiffeur, elle se fait belle pour le week-end). Nous parlons churros: variantes madrilène et locale, friture droite ou en spirale, puis il en vient à sa vie, parlant de l’entreprise pour laquelle il travaillait, ses livraisons, ses licenciements, ses chefs et ses millions, comme si la retraite, en même temps qu’elle le renvoyait à lui-même, l’avait privé de son existence.
Axarquie
Huit mois que je n’étais pas revenu à Rincón; la dernière fois, au mois de mai, je déballais devant l’hôtel mon vélo de course commandé aux Etats-Unis. Aujourd’hui, je suis sur le même trottoir. Tandis que je remonte en direction du village, je croise, au même endroit, à quelques mètres près, le vendeur invalide de la loterie, Nacho mon ancien propriétaire, la modiste Lola, Ramos le motard-coiffeur et chacun me rapporte les derniers événements: tempête, prix, naissances, meilleur menu de paëlla, résultats du football. Chez Jésus, je fais imprimer des cartes de visite pour les employés, puis rejoins Gala qui essaie en chambre de splendides habits blancs — fausse fourrure, pantalons perlés, blouse de laine — avant de se remettre, comme elle était, en noir.
Epoque
Le café de la gare María Zambrano, au centre de Malaga, où j’ai déjeuné depuis toujours, c’est à dire onze ans, a disparu. Sac au dos, double valise à la main, Gala à mon côté, que je guide, je mets la main en visière.
-Il était là…
Plus dépité que je ne veux bien le dire. Nous avançons. Nous prenons place à une autre terrasse. Même œufs frits, même café, pain, olives, même service, mais enfin, quelque chose a disparu, de mon présent, de mon passé.
Ecole
Atterri à Málaga ce matin. Voyageant avec nous, une classe d’école, des enfants de l’Ain. Leur professeur, Magrébin en pyjama:
-Moi, c’est 7 fois Barcelone, 3 fois Berlin, 2 fois Madrid. Je connais tout. Un de mes élèves est pilote chez EasyJet! Vous allez voir, c’est bien l’Espagne!
Sauf qu’au moment d’accéder à l’avion, les élèves ont surchargé leurs valises. Et chacun de déballer, de trier, de jeter. Baskets et culottes, polos et jeans passent à la poubelle.
Le professeur:
-Et encore, tu imagines (il parle aux autres passagers), si on avait pas préparé!