Méditation

Ignor­er toute pos­ture qui n’est pas médi­ta­tion. Une recherche devrait être engagée sur ce qu’est au sens le plus large la médi­ta­tion, une fois dépassé les déf­i­ni­tions académiques voire sco­laires, le pla­ton­isme moral­isé ou la voie chré­ti­enne de sanc­ti­fi­ca­tion. Toute pos­ture tra­vail­lée qui unit à soi-même et bloque la dou­ble injonc­tion du temps et de l’e­space est méditation.

Lit

Le mien, aux coups de sty­lo sur les draps.

Entre-soi

Comme je mets à cuire des spaghet­tis dans ma cui­sine d’A­grabuey, je vois que je mange au restau­rant depuis dix semaines; bien les spaghet­tis à l’eau.

Argent

Le prob­lème des gens qui n’ont pas d’ar­gent: ils jugent nor­mal que vous en ayez.

Couple

Pourquoi faut-il deux per­son­nes pour vivre une vie sociale, c’est à dire fonder l’avenir sur le passé, la solu­tion la meilleur étant ici le cou­ple? Parce que la mémoire, quand bien même elle enreg­istr­erait le cent pour cent des événe­ments vécus — ce que je crois — ne peut, hors sit­u­a­tion d’ur­gence biologique, en con­vo­quer spon­tané­ment que la moitié, cette moitié pas­sant à trois-quarts ou plus quand il y a cou­ple, donc partage du souvenir.

Maladie 2

Dans la loterie générale, il serait heureux que suc­combent quelques néfastes aux dis­cours lénifi­ants, au hasard le pape.

Littérature

Par­ler dans le vide est la tâche de l’écrivain. A part lui, per­son­ne n’est assez fou pour se prêter à ce jeu. Quand le vide se rem­plit d’or­eilles, mau­vais signe. Les censeurs du roi, ayant lu Kant (la Pre­mière cri­tique), ras­surèrent: “cela n’au­ra aucun effet, nul n’y peut rien comprendre”.

Social

Avoir un prix lit­téraire, c’est bien, ça prou­ve qu’il y a des gens qui vous plaignent.

Oskar

Qui est le nom du marc­hand de pois­son, en réal­ité l’épici­er des vil­lages, achem­i­nant à bord d’une camion­nete et de sa car­a­vane, chaque mer­cre­di, une car­gai­son de nour­ri­t­ure, de la farine aux tomates, en pas­sant par le lait, le chori­zo et la lessive. Or, nous sommes mer­cre­di. Il klax­onne. Je dors. Arrivé à domi­cile hier, j’aimerais éviter de descen­dre en plaine. Je dois me fournir. Mais je sais qu’il y a préséance. La doyenne d’abord, Ali­cia, 93 ans. Puis Marie-Luz, Marie-Cruz et Pilar. Je bois le café, je me rase, je passe un équipement mil­i­taire (c’est ce qu’il y a). Et descend sur la place. Les voisines me salu­ent, on s’embrasse. Nous cau­sons. Deux mots sur ma prove­nance, mes par­ages et je ren­voie la politesse:
-Et vous, com­ment ça va?
Maria Dolores: “Nous sommes exacte­ment là où tu nous a laissées!”

Réflexes

Le corps proche de l’hor­loge biologique, je me lève d’habi­tude spon­tané­ment quelques min­utes avant l’oblig­a­tion du réveil, mais dans ce cas, veille de départ pour l’aéro­port de Mála­ga, je rêvais comme sou­vent d’un des squats de ma vie antérieure, instal­lé sur un banc avec mon amie Rika, dans la salle des pas per­dus de l’u­ni­ver­sité Bas­tions, à Genève, et nous par­tions soudain pour la cham­bre, ma cham­bre, où, naturelle­ment, je l’in­vi­tais à pass­er la nuit, trou­vant le rez de la vil­la noyé sous un mètre d’eau glauque; pro­tégeant Rika, je mar­chais dans le cloaque pour attein­dre un escalier mou qui don­nait sur l’é­tage pre­mier et mon apparte­ment. De la dernière marche, je con­statai que l’escalier était détaché de la paroi. Téméraire, je saute. Me voici dans le salon.
-Merde! Ils ont détru­it tout mon intérieur!
Rika, en bas:
-Est-ce que ça va?
Je ne peux lui répon­dre car il y a, dans le canapé, vautré, agres­sif, A., mon voisin, un pouilleux à cato­gan. Qui se dresse:
-Passe les clefs, c’est à moi main­tenant cette turne!
Il artic­ule deux can­i­fs, façon Shaolin, veut me tranch­er la gorge.
Effrayé, je recule. Recule encore. Et cal­cule mon coup. Aux par­ties, à l’estom­ac? Si je rate mon but, j’au­rai le cou tranché.
Je tape.
Gala encaisse le coup.
Je m’ex­cuse. Elle frotte sa jambe endo­lo­rie.
C’est l’heure. Nous par­tons pour l’aéro­port de Malaga.