Ignorer toute posture qui n’est pas méditation. Une recherche devrait être engagée sur ce qu’est au sens le plus large la méditation, une fois dépassé les définitions académiques voire scolaires, le platonisme moralisé ou la voie chrétienne de sanctification. Toute posture travaillée qui unit à soi-même et bloque la double injonction du temps et de l’espace est méditation.
Couple
Pourquoi faut-il deux personnes pour vivre une vie sociale, c’est à dire fonder l’avenir sur le passé, la solution la meilleur étant ici le couple? Parce que la mémoire, quand bien même elle enregistrerait le cent pour cent des événements vécus — ce que je crois — ne peut, hors situation d’urgence biologique, en convoquer spontanément que la moitié, cette moitié passant à trois-quarts ou plus quand il y a couple, donc partage du souvenir.
Littérature
Parler dans le vide est la tâche de l’écrivain. A part lui, personne n’est assez fou pour se prêter à ce jeu. Quand le vide se remplit d’oreilles, mauvais signe. Les censeurs du roi, ayant lu Kant (la Première critique), rassurèrent: “cela n’aura aucun effet, nul n’y peut rien comprendre”.
Oskar
Qui est le nom du marchand de poisson, en réalité l’épicier des villages, acheminant à bord d’une camionnete et de sa caravane, chaque mercredi, une cargaison de nourriture, de la farine aux tomates, en passant par le lait, le chorizo et la lessive. Or, nous sommes mercredi. Il klaxonne. Je dors. Arrivé à domicile hier, j’aimerais éviter de descendre en plaine. Je dois me fournir. Mais je sais qu’il y a préséance. La doyenne d’abord, Alicia, 93 ans. Puis Marie-Luz, Marie-Cruz et Pilar. Je bois le café, je me rase, je passe un équipement militaire (c’est ce qu’il y a). Et descend sur la place. Les voisines me saluent, on s’embrasse. Nous causons. Deux mots sur ma provenance, mes parages et je renvoie la politesse:
-Et vous, comment ça va?
Maria Dolores: “Nous sommes exactement là où tu nous a laissées!”
Réflexes
Le corps proche de l’horloge biologique, je me lève d’habitude spontanément quelques minutes avant l’obligation du réveil, mais dans ce cas, veille de départ pour l’aéroport de Málaga, je rêvais comme souvent d’un des squats de ma vie antérieure, installé sur un banc avec mon amie Rika, dans la salle des pas perdus de l’université Bastions, à Genève, et nous partions soudain pour la chambre, ma chambre, où, naturellement, je l’invitais à passer la nuit, trouvant le rez de la villa noyé sous un mètre d’eau glauque; protégeant Rika, je marchais dans le cloaque pour atteindre un escalier mou qui donnait sur l’étage premier et mon appartement. De la dernière marche, je constatai que l’escalier était détaché de la paroi. Téméraire, je saute. Me voici dans le salon.
-Merde! Ils ont détruit tout mon intérieur!
Rika, en bas:
-Est-ce que ça va?
Je ne peux lui répondre car il y a, dans le canapé, vautré, agressif, A., mon voisin, un pouilleux à catogan. Qui se dresse:
-Passe les clefs, c’est à moi maintenant cette turne!
Il articule deux canifs, façon Shaolin, veut me trancher la gorge.
Effrayé, je recule. Recule encore. Et calcule mon coup. Aux parties, à l’estomac? Si je rate mon but, j’aurai le cou tranché.
Je tape.
Gala encaisse le coup.
Je m’excuse. Elle frotte sa jambe endolorie.
C’est l’heure. Nous partons pour l’aéroport de Malaga.