Machina 3

L’ef­fet recher­ché de pro­pa­gande, mais encore la bru­tal­ité de la for­mule du posthu­man­isme de “télécharge­ment de l’âme” sus­cite le rejet. L’âme n’est pas suff­isam­ment désacral­isée. Par­tant le téle­sco­page est cal­culé et voulu: il s’ag­it de con­fron­ter un passé mythologique à la tech­nolo­gie. Toute­fois, envis­agé d’un point de vue moins mil­i­tant, le sujet est bien sur la table. La cyberné­tique puis la philoso­phie cog­ni­tive ont réduit l’e­sprit (après avoir nié l’âme) et les util­i­taires minia­ture inscrivent dans le réel, au quo­ti­di­en, une société sans corps. Non pas qu’il n’y ait plus de corps, mais ce ne sont plus eux, les corps, qui don­nent son sens au monde que créent les vivants mais les actes de com­mu­ni­ca­tion enreg­istrés sur le réseau. A la rigueur, j’aimerais mieux sor­tir sans famille ni mes amis que sans le ter­mi­nal de poche qui fait de moi un mem­bre de l’in­ter­con­nex­ion des cerveaux capa­bles d’ex­pres­sion. La “fausse mal­adie” dite Covid fut une pre­mière ten­ta­tive à l’échelle plané­taire de sup­primer le corps en niant l’u­til­ité de l’e­space, restant alors le temps comme lieu de vec­tori­sa­tion expo­nen­tiel du “devenir-soi”. L’émer­gence dans la machine est une métaphore de ce que les courants cog­ni­tivistes con­sid­èrent comme seul exis­tant: une supra-addi­tiv­ité basée sur un cal­cul biotech­nique. Il acte en théorie la dis­pari­tion pour “non-con­sis­tance” de l’âme comme de l’e­sprit — en un sens ontologique. Mais surtout, il pré­pare effec­tive­ment le glisse­ment séman­tique qui per­me­t­tra de pass­er du stade anthro­pologique antérieur (l’homme corps et esprit) au stade anthro­pologique pro­gram­mé et volon­tariste d’une entité dont l’e­sprit pro­gram­ma­tique (décodé puis codé en con­tinu) absorbera le corps et dis­soudra l’his­toire de feu et de sang dans une léthargie machinique, pseu­do-sta­tique, ali­men­tée et ali­men­tant des serveurs qui, en cir­cuit semi-ouvert, écriront l’his­toire future de l’espèce. 

Effacement 2

Que sig­ni­fie “vis­iter des ruines”, écrivais-je à pro­pos du site de Calak­mul. C’est pein­er devant des ves­tiges pour imag­in­er ce qu’é­tait la vie des indi­vidus plongés dans la jun­gle et les super­sti­tions, la guerre et les tech­niques, le soleil, la lune et l’eau. La rup­ture est com­plète. Du même ordre que celle qui met­tra fin à la présence en scène de nos sociétés d’âme, d’e­sprit et de cerveau au prof­it d’un “autre” dont nous sommes aus­si inca­pables d’imag­in­er la nature que nous sommes, quand nous pas­sons des heures à “vis­iter des ruines”, inca­pables de se représen­ter la vie maya. 

Son

Bruit. Bruits. Sur Plaza Rev­olu­ción, une fan­fare mil­i­taire, un grand orchestre de sal­sa, un groupe de hip-hop et trente familles en pique-nique assis autour d’une baffle.

Vie

Dans nos pays d’Eu­rope les scènes de la vie quo­ti­di­enne sont effacées par la ratio­nal­i­sa­tion des com­porte­ments au prof­it de la plus-value.

Art

Cent à cent-cinquante métiss­es pro­tégés par des para­pluies atten­dent sous un soleil brûlant devant le Pala­cio de Bel­las Artes. Une employée du musée énumère dans un porte-voix les con­di­tions de sécu­rité: con­signe des sacs, temps lim­ité, groupes restreints, dis­tance, etc. Le suc­cès des impres­sion­nistes, même à l’autre bout du monde. Mais peut-être ont-ils rai­son. Je suis aller vis­iter le musée d’art mod­erne de Cha­pul­te­pec (pein­tres mex­i­cains): rien que des croûtes.

Plaza

Retour dans le D.F, quarti­er Rev­olu­ción. Trop fatigué à l’aller pour prof­iter, je me rat­trape, je marche des heures dans les rues (de Cha­pul­te­pec à Allende) et me délecte des mer­veilles locales. Dès le lende­main j’ai mes repères: échoppe de jus qui fab­rique des “vam­piros” (carotte, carotte rouge, céleri, ananas), Kios­qui­to où l’on mange le meilleur Gua­camole d’Hi­dal­go, gar­gote a tacos qui sert des “cagua­mas” (bière en bouteille de 1,120 cl).

Retour à Bogota.

Nuit chez l’habi­tant, quarti­er de Fon­tibón. Fait illu­sion le jour, glauque la nuit. Mais peut-être mes impres­sions sont-elles faussées. Cette para­noïa de LM. Je ne sais plus. Demain, vol pour Mexico.

Ordres

“Vac­cinez-vous!”. Ils se vac­ci­nent. “Changez de sexe!”. Ils changent de sexe. “Allez vous faire cuire un œuf!”. Ils vont se faire cuire un œuf. Et si les con­signes cessent, ils protestent.

Dévoiement

Com­ment for­muler le prob­lème? Per­son­ne ne s’in­téresse plus à l’en­tourage vivant, sa famille, ses amis, son mari, sa femme, pour s’in­téress­er à ceux qui font méti­er de se ren­dre intéressant.

Vivent dans un rêve

Dans le kiosque, ce cou­ple d’hommes que je n’ai pas revu depuis vingt ans, à qui je dis: “cela va faire vingt ans, depuis le rêve précé­dent (je suis en train de rêver) et vous êtes tou­jours là! Il est vrai que vous avez vieilli”. 

-Encore quelques années de tra­vail et ce sera fini, mais on a aus­si fait des pro­grès. Regarde der­rière toi la Mercedes!

Je jette un œil par-dessus l’é­paule de mon inter­locu­teur et vois sur un park­ing une Mercedes. 

Je me réveille.

Je me rendors. 

Même kiosque et même cou­ple mais cette fois toute la scène au ralen­ti: elle présente les événe­ments qui ont eu lieu juste après mon pre­mier rêve, lorsque je ren­con­trais pour la pre­mière fois le cou­ple du kiosque et il s’ag­it d’un crime, le crime qui a con­duit mes deux inter­locu­teurs en prison et qui mon­tre ce qui s’est pro­duit entre nos deux rencontres.