L’effet recherché de propagande, mais encore la brutalité de la formule du posthumanisme de “téléchargement de l’âme” suscite le rejet. L’âme n’est pas suffisamment désacralisée. Partant le télescopage est calculé et voulu: il s’agit de confronter un passé mythologique à la technologie. Toutefois, envisagé d’un point de vue moins militant, le sujet est bien sur la table. La cybernétique puis la philosophie cognitive ont réduit l’esprit (après avoir nié l’âme) et les utilitaires miniature inscrivent dans le réel, au quotidien, une société sans corps. Non pas qu’il n’y ait plus de corps, mais ce ne sont plus eux, les corps, qui donnent son sens au monde que créent les vivants mais les actes de communication enregistrés sur le réseau. A la rigueur, j’aimerais mieux sortir sans famille ni mes amis que sans le terminal de poche qui fait de moi un membre de l’interconnexion des cerveaux capables d’expression. La “fausse maladie” dite Covid fut une première tentative à l’échelle planétaire de supprimer le corps en niant l’utilité de l’espace, restant alors le temps comme lieu de vectorisation exponentiel du “devenir-soi”. L’émergence dans la machine est une métaphore de ce que les courants cognitivistes considèrent comme seul existant: une supra-additivité basée sur un calcul biotechnique. Il acte en théorie la disparition pour “non-consistance” de l’âme comme de l’esprit — en un sens ontologique. Mais surtout, il prépare effectivement le glissement sémantique qui permettra de passer du stade anthropologique antérieur (l’homme corps et esprit) au stade anthropologique programmé et volontariste d’une entité dont l’esprit programmatique (décodé puis codé en continu) absorbera le corps et dissoudra l’histoire de feu et de sang dans une léthargie machinique, pseudo-statique, alimentée et alimentant des serveurs qui, en circuit semi-ouvert, écriront l’histoire future de l’espèce.