Catégorie : Inconsistance

Herbe

Sur le ter­rain que je fauche à la débrous­sailleuse. Tra­vail de déhanche­ment, tra­vail épuisant. Evola renonce à enfourcher, il rassem­blera les coupes quand il fera moins chaud, il les brûlera. J’a­vance sec­tion par sec­tion, bal­ançant la lame de droite de gauche, les ser­pents fuient, les ronces accrochent. A la pause, je m’im­merge dans la riv­ière. A la tombée de la nuit, Evola cuit une côte de boeuf. Reste huit mille mètres à faucher. 

Course

Départ de la course l’Isolé qua­trième édi­tion don­né à 7 heures, je fais la voiture bal­ai sur la ver­sion longue soit 170 kilo­mètres pour 4000 mètres de dénivelé posi­tif. Nous pas­sons le col du Som­port. Pre­mière sur­prise, alors que la journée était au soleil en Espagne, le haut Béarn est noyé dans les brouil­lards. Dans la val­lée d’Aspe, je monte le pre­mier rav­i­taille­ment: quart d’o­r­anges, morceaux de bananes, cake au cit­ron et sucres de raisin. Le paysan qui m’ac­com­pa­gne a ren­dez-vous avec Emilio, un natif d’A­grabuey qui a émi­gré côté français. Tan­dis que je rem­plis les bidons des coureurs, Emilio me par­le de Simenon. Il cite une anec­dote de la vie de l’écrivain, j’en cite une autre. Le dernier coureur lancé à l’as­saut du col de l’Ab­bays, Emilio m’amène dans le gale­tas de sa mai­son, il ouvre une armoire, elle con­tient deux cent livres : l’œu­vre de Simenon et des biogra­phies ain­si qu’une par­tie des vol­umes des Edi­tions Ren­con­tres qu’à l’in­stant il dis­ait ignor­er. Mais nous ne pou­vons rester boire le café, le coureurs sont en route, je dois rester der­rière eux et le moment venu dou­bler pour pré­par­er le troisième rav­i­taille­ment, en haut de la mon­tagne, juste avant la descente du ver­sant navar­rais. Cette organ­i­sa­tion devait cor­riger les erreurs de l’an dernier, le manque d’eau dès la sec­onde ascen­sion (cette fois encore on ne m’a pré­paré que 50 litres alors qu’il en faudrait 5 fois plus, j’ai com­plété avec les jer­rycans du van.) Or au deux­ième rav­i­taille­ment, per­son­ne. J’ap­pelle le directeur de course. Pas de réponse. Le pelo­ton est tou­jours aux prise avec le col, mais il ne va pas tarder. Quand aux coureurs de tête, ils ont plusieurs kilo­mètres d’a­vance, ils ont besoin du rav­i­taille­ment au som­met comme le pelo­ton a besoin du rav­i­taille­ment ici, à mi-dis­tance. Je rap­pelle. Rien. Nous sommes en zone blanche. Je branche mon inter­net hon­grois et satel­li­taire. J’ai une com­mu­ni­ca­tion: un acci­dent sur l’autre course, le directeur par­lemente avec la garde civile, l’héli­cop­tère est atten­du. Je dépose des bom­bonnes d’eau pour le pelo­ton, nous grim­pons à toute vitesse vers la fron­tière pour assur­er le rav­i­taille­ment du col de al Pierre-Saint-Mar­tin. Quand nous l’at­teignons, les pre­miers sont passés, ils avaient four­ré leurs vête­ments chauds dans notre cof­fre de voiture. Le pelo­ton arrive. Il reçoit ses tranch­es de cake, ses morceaux de banane, puis nous plions la table et repar­tons. Tout l’après-midi à rav­i­tailler en eau les coureurs isolés et assis­ter les retar­dataires de l’autre course, moins aguer­ris, souf­frants, cer­tains âgés, mal pré­parés — il fait 27 degrés. Neuf heures plus tard nous sommes de retour à Agrabuey, le groupe vain­queur de la ver­sion longue a franchi la ligne en moins de sept heures.

Balai

Comme l’an dernier, bal­ayé la route du col pour faciliter le pas­sage la semaine prochaine des cyclistes en com­péti­tion. Le tra­vail est haras­sant. Ce n’est pas de la pous­sière qui est bal­ayée, mais de la pier­raille, des gra­vats, du sable. Sur trois kilo­mètres. Munis de bal­ais forts et car­rés, nous gravis­sons jusqu’au som­met, redescen­dons dans la val­lée. Labeur d’une mat­inée. Une machine à rouleau nous précède: cela ne suf­fit pas. Cette route sem­ble avoir essuyé un bom­barde­ment. Qua­tre ans que je la fréquente, elle ne cesse de se détéri­or­er. Nous peignons les nids de poule afin d’éviter que les futurs con­cur­rents n’y tombent. Pourquoi ne répar­ent-ils pas la route? Parce que la cap­i­tale punit le maire du vil­lage voisin pour l’avoir emprun­tée en camion avant qu’elle ne sèche et d’avoir ain­si annulée le tra­vail des can­ton­niers dépêchés par l’ad­min­is­tra­tion. En atten­dant, Lie­gos et l’homme de corvée que je suis bal­ayons. Puis le soir une pluie tor­ren­tielle s’a­bat sur la con­trée, une pluie de douze heures, et voilà pour l’u­til­ité du travail. 

Thérèse d’Ávila

Moi qui ne suis pas croy­ant, peu me chaut de savoir que Thérèse est peut-être la sub­li­ma­tion d’une amante dés­espérée devant un maître en lec­ture de Dieu humaine­ment inac­ces­si­ble, Saint-Jean de la Croix. La sœur réalise un rap­port pos­si­ble à Dieu.

Sens

Ils n’ont plus le sens de l’his­toire parce que pour cela il faut aimer.

Ces jours

Sen­ti­ment de tenir à bout de bras des sit­u­a­tions frag­iles attaquées par les vents. 

Déserts

Avant l’in­ter­ven­tion de l’homme sur le paysage, le paysage mesure la pos­si­bil­ité de l’in­ter­ven­tion de l’homme, il est un espace qui per­met à l’homme de com­pren­dre sa liberté.

Rois

Les rois sont dona­teurs des monastères pour leur présent, leur âme, leur futur, leur crypte. La nor­mal­ité mil­i­tarisée de la prière monas­tique ras­sure et oblige. A tra­vers elle, les rois se recom­man­dent à Dieu et s’ex­emptent des fautes tem­porelles mais existe-il des rois qui imi­tent selon la voie érémi­tique des fous en Dieu, après dépose des formes et orne­ments, renonce aux statuts et pou­voirs, le repli de l’in­di­vidu sur l’in­di­vidu et dia­loguent avec les pro­fondeurs? Des rich­es, oui, mais des rois, ici, en chrétienté?

Forge

La dématéri­al­i­sa­tion de l’é­conomie est un ultra­matéri­al­isme. Le proces­sus nou­veau d’ap­pro­pri­a­tion des valeurs ne mod­i­fie en rien la valeur morale qui le sous-tend: le prof­it comme source de bon­heur est le motif uni­versel du con­trat qu’en­gage la minorité con­tre la pop­u­la­tion, sa reli­gion, même si elle sait qu’il fau­dra pour “réalis­er” le motif sac­ri­fi­er à la fin tout ce qui a per­mis à l’homme de devenir homme, à l’homme de faire société, aux sociétés de faire civil­i­sa­tion, aux civil­isés de se choisir un destin.

Agrabuey

Déposé Gala à l’avion puis roulé six heures. Je n’aime pas rouler, mais rouler à tra­vers ces déserts est un baume pour l’esprit.