Mois : août 2013

Installation

Plus d’une heure et demie de route par Charmey, Jaun et Bolti­gen pour gag­n­er l’Ober­sim­men­tal. Soleil radieux sur les cimes. Il est étrange que, par­ti du Lac noir, j’ai atteint ce lieu reculé. A Ober­wil, nous deman­dons notre direc­tion. J’en­gage la voiture de ma mère (petite, pous­siéreuse, dis­crète) sur un chemin. Nous fran­chissons des bar­rières cana­di­ennes, roulons sur le cail­lou, trou­vons un chalet dans une impasse. Des habits sèchent sur une ficelle. Je frappe, j’en­tre. Les paysans sont aux champs. Nous redescen­dons en plaine. Je me ren­seigne. C’est le bon chemin, mais nous avons man­qué une bifur­ca­tion. Un quart d’heure d’as­cen­sion. Au moin­dre écart de volant, la voiture finit dans le précipice. Gala admire, je me con­cen­tre. Appa­raît enfin l’al­page où j’ai rebroussé chemin l’autre jour pour rejoin­dre le can­ton de Fri­bourg. Trois quart d’heures de marche jusqu’au plateau où je m’in­stallerai. Gala veut renon­cer. J’in­siste. Elle m’ac­com­pa­gne. Un trou­peau de chèvres remue dans la paroi. Je crois pou­voir cacher ma réserve de pâtes dans une fortin de l’ar­mée, mais il sert d’étable. J’en­veloppe les pâtes et veut les sus­pendre en haut d’un rocher, je les prends sur la tête. Je les enfouis dans un tas de pierre. J’écris mon nom et la date à laque­lle je les mangerai. De retour à la voiture, je vais trou­ver l’ar­mail­li. Il trait une vache. Il porte la barbe, le cos­tume, fume un bout de cig­a­re. Il réflé­chit: non, si vous venez le 10 sep­tem­bre, il n’y aura plus de vach­es. Je le remer­cie. Je m’in­quié­tais surtout de savoir s’il ne ver­rait pas d’in­con­vénient à mon installation.

Taureaux

Tau­reaux, chas­se, course, boxe, espace, échap­pées; quelques uns des thèmes qui mar­quent mes nuits et occu­pent ma pen­sée. Et si la dépres­sion était trans­mise par le con­trôle général­isé des éner­gies auquel nous soumet une société qui a pris la vie en méfiance?

Repérages

A Zoll­haus, je bifurque sur la val­lée de Gantrisch, passe le pont sur le Sense à Sanger­bo­den et monte la voiture jusqu’aux derniers chalets. De là je grimpe à pied con­tre la pente afin de gag­n­er un som­met repéré ce jour d’avril où, venu marcher avec les enfants dans le lit de la riv­ière, une avalanche nous avait obligé à faire demi-tour. Assis dans des chais­es de toile un cou­ple me salue sous le dra­peau. Je m’en­gage dans une forêt.  La terre s’éboule sous mon pied, les trous de renard cèdent. Pour repren­dre le souf­fle, je me hisse sur les souch­es. Le brouil­lard se lève. Je remise mon T‑shirt mouil­lé, les mains ten­dues zigzague par­mi les vach­es. La mon­tagne dis­paraît. Pour obtenir un point de vue, je me pré­cip­ite dans les coups de vent, me hisse sur la point des chaus­sures.  Alors je tire droit et j’at­teins au bout d’une heure d’ef­fort une cime abrupte. Impos­si­ble de savoir s’il s’ag­it de ma mon­tagne, mais on ne peut y installer un campe­ment. Aus­sitôt, je m’ob­s­tine. Pen­dant tous ces mois, je me suis représen­té un talus d’herbe rase, quelques pier­res pat­inées, un paysages doux. Je les cherche. Lorsque les nuées glis­sent vers l’est, un cirque appa­raît. A quelques deux cent mètres, en con­tre­bas, un alpage. Con­tre la pente broutent les vach­es.  Plaçant un pied devant l’autre, je longe l’ar­rête. Au loin une croix. Jahr der Berg 1981. Et  à sa base, un trou. Crevassé, rem­pli de cail­loux, mais si je les dégage, si je creuse et niv­elle la terre je pour­rai peut-être piquer la tente. Je saute dans le trou, appré­cie ses hauts-bor­ds: ils me pro­tégeront du vent. Quand je recule pour mieux juger, je manque tomber dans le vide. Si je m’in­stalle dans ce lieu, je serai à la mer­ci du vide chaque fois que je me lèverai la nuit. Je ramasse mon sac et descends vers l’al­page.  Un armail­li roule à moto. Il con­tourne un rocher. Le silence revient. Bruit de cloches, vaste ciel. Peu à peu le soleil chas­se les nuées. J’avise une con­struc­tion dans la paroi d’une mon­tagne. Mais non, ce n’est pas ça que je veux. Et puis, pas d’al­page. Du vert, du noir, de la pierre, nul mou­ve­ment. Voilà qua­tre heures que je marche. Je mange le petit beurre que j’ai emporté. J’hésite à explor­er un mamel­on d’herbe fraîche. Une minute plus tard, je suis assis sur dans son herbe. Le paysan l’a clô­turé pour éviter que les bêtes ne le man­gent, il sem­ble agréable, la vue est pais­i­ble, les per­spec­tives pro­fondes. Il fera l’af­faire. Con­tent, je décide de retourn­er à Fri­bourg. Je piv­ote, passe un T‑shirt sec et prend des repères: fontaine à deux kilo­mètres, chemin car­ross­able à une heure de marche. Je déposerai mes pro­vi­sions en voiture puis les mon­terai à pied. Une heure passe. J’escalade le cirque, descends sur un plateau, remonte, décou­vre la val­lée. La main en visière, je vois Sanger­bo­den. Qui me sem­ble soudain bien grande. De même que la route can­tonale, trop large. Des écriteaux indiquent les sen­tiers péde­stres. Me voici per­plexe. Aucun nom que je con­naisse. J’ou­vre la carte. Je veux me situer et n’y parviens pas. Je déplie une autre carte.  Alors je vois où je suis. Est-il pos­si­ble que j’ai tant marché? Si je veux regag­n­er la voiture, il me faut gravir trois cols. J’ap­pelle devant un alpage sur­mon­té d’un dra­peau néo-zélandais. Per­son­ne. Je marche trois heures. Et soudain, une val­lée enchan­tée! Arbres menus, boss­es de terre, parois qui mon­tent au ciel, et de toutes parts de la lumière. J’ai trou­vé. J’ig­nore où se trou­ve cet endroit, mais de retour à la mai­son, je le saurai. L’en­droit rêvé pour une instal­la­tion. fatigué et réjouis, chem­i­nant à grands pas, il me faut trois heures de plus pour regag­n­er la val­lée de Sanger­bo­den. Or, quand j’at­teins la route, je vois que je suis encore loin. Deux cars de poste par jour. Aucun traf­ic. Plus tard j’ar­rête une voiture. Un paysan coif­fé d’une feu­tre vert me fait mon­ter. Je serre entre les genoux le bidon de myr­tilles qu’il a cueil­li dans le bois et tiens à la main une gerbe de feuil­lage odor­ant. Il me dépose sur la riv­ière. J’en­tre­prends la mon­tée de six kilo­mètres qui mène à la voiture.

Bouteilles

A Berlin je me suis intéressé aux rap­por­teurs de bouteilles. Ivrognes, clochards, jeunes, mais aus­si des per­son­nages com­muns qui doivent pren­dre leur poste à heures fix­es, après leur tra­vail, pour arrondir leurs fins de mois. Chaque bouteille d’un demi-litre de bière vaut 0,30 Euros. La plu­part des bouteilles en PET sont con­signées 0,15 Euros. Ain­si ces pro­fes­sion­nels fouil­lent la ville. Mais la con­cur­rence est rude et c’est là que l’af­faire se corse. A tra­quer les bouteilles, ces gens-là sont obses­sion­nels. Si vous buvez à la bouteille (comme je fai­sais sur un banc d’Alexan­der­platz lorsque cette réflex­ion m’est venue), ils peu­vent rester des min­utes entières sans vous voir, fix­ant la bouteille, mesurant son con­tenu, de crainte qu’une fois vidée elle ne leur échappe. Et si vous suiv­ez leur regard, vous voyez qu’il fait des bonds de la poubelle (qui con­tient peut-être des cadavres) à la bouteille que se parta­gent des ado­les­cents puis à un vieux car­ton qui pour­rait con­tenir une bouteille, et ain­si de suite. Le monde n’est à leurs yeux qu’un vaste champs de bouteilles vides dont il s’ag­it de s’emparer avant les autres.

Commerce

Tout à l’heure je me rends à la bib­lio­thèque, au Com­merce de fer et dans un super­marché viet­namien. Eton­nante coïn­ci­dence, depuis qu’il fait soleil, la dis­po­si­tion des meubles, comp­toirs, étagères a été mod­i­fiée dans ces trois lieux de façon à éclair­er le lieu, faciliter la cir­cu­la­tion et dégager les murs. Qu’ad­viendrait-il si l’été durait? Et à l’in­verse, si l’hiv­er, de retour, ne s’ar­rê­tait plus? Influ­ence du temps sur les car­ac­tères et leur util­i­sa­tion de l’espace. 

Punks

Y a‑t-il des punks à chien en Ethiopie?

Monothéisme

Les Saints et les anges per­me­t­tent de réin­tro­duire le poly­théisme dans le sché­ma monothéiste (et trini­taire). Pres­tidig­i­ta­teurs ces théologiens!

Chanteur hard

Chanteur hard: depuis que j’ai arrêté de boire, tout est plus réel.

Le poète

Le poète Désag­uli­er, qui revient de ses expéri­ences aéro­nau­tiques au Séné­gal, m’en­voie des clichés de gravures rupestres pris­es dans la val­lée de Fontanal­ba et m’ex­plique com­ment le rejoin­dre dans les mon­tagnes en pas­sant clan­des­tine­ment par l’Italie.

Territoires

Un jour nos enfants nous deman­deront pourquoi nous n’avons pas fui vers les ter­ri­toires vierges lorsqu’ils exis­taient encore.
- Mais parce qu’on pou­vait encore vivre ici.