Bouteilles

A Berlin je me suis intéressé aux rap­por­teurs de bouteilles. Ivrognes, clochards, jeunes, mais aus­si des per­son­nages com­muns qui doivent pren­dre leur poste à heures fix­es, après leur tra­vail, pour arrondir leurs fins de mois. Chaque bouteille d’un demi-litre de bière vaut 0,30 Euros. La plu­part des bouteilles en PET sont con­signées 0,15 Euros. Ain­si ces pro­fes­sion­nels fouil­lent la ville. Mais la con­cur­rence est rude et c’est là que l’af­faire se corse. A tra­quer les bouteilles, ces gens-là sont obses­sion­nels. Si vous buvez à la bouteille (comme je fai­sais sur un banc d’Alexan­der­platz lorsque cette réflex­ion m’est venue), ils peu­vent rester des min­utes entières sans vous voir, fix­ant la bouteille, mesurant son con­tenu, de crainte qu’une fois vidée elle ne leur échappe. Et si vous suiv­ez leur regard, vous voyez qu’il fait des bonds de la poubelle (qui con­tient peut-être des cadavres) à la bouteille que se parta­gent des ado­les­cents puis à un vieux car­ton qui pour­rait con­tenir une bouteille, et ain­si de suite. Le monde n’est à leurs yeux qu’un vaste champs de bouteilles vides dont il s’ag­it de s’emparer avant les autres.