LM me donne rendez-vous à l’aube. Il prendra le premier bus. A Bogota déjà il dormait peu et même moins, trois heures par nuit. Si je me levais, je le trouvais assis derrière la porte de ma chambre, dans le noir, à mâcher du bois doux ou un morceau de cigare. Mais voilà, il va mieux. Depuis qu’il a les cheveux coupés, depuis que nous sommes dans les Caraïbes il « voit » comment résoudre son problème de terrain à Vanga (un faubourg de Santa-Marta) et il a pris rendez-vous avec le chef de la communauté indigène, l’architecte municipal et quelques frappes locales (au besoin), la solution est en vue, ça va. « Donc on se voit à 5h00 au bus? ». Évidemment non. Je suis en vacances et d’ailleurs ce cauchemar qui est de se lever tôt, je l’ai chassé de ma vie. Aussi lui dis-je de partir devant et après le petit-déjeuner (éternel oeufs-arepa) je me rends à la centrale des Berlinas Marbella près de Getsemani, monte dans un mini-bus pour Barranquilla. Nous longeons la côte de Cartagena, filons entre des terres marécageuses défrichées pour recevoir des tours d’habitation (boîtes d’allumettes posées sur des aplats de mousse), nous roulons droit devant, parallèle aux vagues grises qui battent ce désert quand mon téléphone sonne. LM part prendre le bus, il est midi. Cinq heures plus tard je descends juste avant Santa-Marta, à Rodadero, agglomération de gratte-ciels bâclés en bord de mer et dors à l’hôtel Jardin dans un bungalow entouré de tortues.