Cartagena-Manga

En chemin je m’ar­rête chez Urquiel pour pren­dre de la bière. Assis devant l’é­choppe, là où j’ai regardé le match Colom­bie-Uruguay la veille, un touriste blond. La mâchoire volon­taire, T‑shirt de sport, il tient en laisse un pit­bull bien nour­ri. L’homme se lève, me tend la main, dit son prénom, ce côté direct, améri­cain. A peine avons-nous échangé deux phras­es, il veut mon numéro de télé­phone. Et me demande où je vis. Lui vit ici. Il ajoute : “je suis de Seat­tle mais je vis à Carta­ge­na depuis huit ans”. Puis je réalise qu’« ici » veut dire « dans la rue ». Il se met à tapot­er sur le minus­cule clavier de son télé­phone, un mod­èle ancien et usé: « Donne-moi ton numéro, enfin… si je sais faire. Parce que ce truc-là appar­tient à ma mère ». Sans tran­si­tion, il racon­te que la nuit dernière un clochard avec qui il buvait sous un arbre est entré en com­bus­tion et a craché devant lui un dia­mant puis un autre dia­mant. L’Améri­cain racon­te ça comme il par­lerait d des prix qui aug­mentent. Donc, il ramasse les dia­mants, les emballe dans un mou­choir, quitte le clochard mirac­uleux, mais voilà que dans la douch, les dia­mants lui glis­sent des mains, vont à l’é­gout, dis­parais­sent. S’il est ici, auprès d’Urquiel, c’est qu’il a besoin (il se tourne vers Urquiel: “tu es sûr que c’est pour demain?”) d’autres mou­choirs à fibre pour fil­tr­er l’eau de l’é­gout et retrou­ver les diamants.