Travaux

Les dernières neiges ali­mentent l’Ara de leur eau; chaussé de bottes-pan­talon, je tra­verse à petits pas atten­tif à ne pas trop décoller les pieds de la sur­face immergée du pont. Le van reste sur l’autre ber, je viendrai dormir là, dans la clair­ière. Sur le ter­rain, je tra­vaille le potager. Je pioche un rec­tan­gle à légumes. D’abord, je me sai­sis de la herse. La terre est dure. Elle résiste. C’est à peine si les cinq dents de l’outil enta­ment la couche. A genoux, j’es­saie un tri­dent. Je me relève, j’empoigne la pelle car­rée. En fin de compte, c’est la pioche qu’il faut. Je soulève et j’a­bats. Je tire du manche, je dégage la motte et je la retourne. Je la scalpe. C’est épuisant. A demi-couché sur son parterre de cour­gettes, Evola net­toie les mau­vais­es herbes. Nous plaisan­tons. Ces min­istres de France (jeunots élevés en écoles privées) qui expliquent la “ratio­nal­ité économique” aux agricul­teurs. Ils essuient de jets d’œufs. Rien que bon sens. Les pouss­es de salade plan­tées, armés de scie ron­des, de séca­teurs et de cisailles nous enfonçons dans la forêt, nous remon­tons vers la source, le long du tuyau que le paysan a déroulé con­tre la pente pour aller capter l’eau où elle sourd du rocher. Trois heures plus tard, van­nés, nous rebrous­sons chemin. Nous sommes sur la ter­rasse, de la car­a­vane nous fixons le ter­rain en silence les mus­cles durs.