Après une courte pérégrination chez les administrateurs de Puente (soit banque dite “digilosofía” c’est à dire analogico-terrestre-kleptocrate, sécurité sociale alentie et officine de poste épicière, tout trucs qui font suer), j’arrive dans la vallée. Route coupée. Elle est signalée interdite. Je déplace la barrière de la Garde Civile, roule sur le caillou, passe le morceau de voie effondré, déplace une autre barrière, vais seul. Travaux du jour, dégager la source d’eau potable. Le puits est en forêt à 200 mètres, mais pour l’atteindre il faut pénétrer dans la broussaille, scier et nettoyer. Ensuite, j’ai l’intention de labourer mon coin à patates. A six heures ce matin, il faisait encore orage. Le premier soleil ne résout pas mon problème: sur les berges de l’Ara l’herbe est tendre, elle patine, on s’y embourbe. Je laisse le van sur la route. Près de la rivière, dans une coupe sombre, je trouve des kayakistes français. Assis devant leurs camping-cars, ils étudient les débits. Je les rassure quant à mon uniforme militaire, nous discutons. La veille, disent-ils, le gorge était pleine, tout juste s’ils sont passés. Hectolitres à la seconde, syphons, coulée, j’y comprends que dalle. “Ah! Vous allez sur le pont?”. Inquiets, ils m’accompagnent. Je montre mes bottes. Ils ne sont pas convaincus. J’entre dans l’eau. D’abord sans les sacs (bière et outils), affaire de tester. Quelques mètres et je ne peux plus ressortir le pied de l’eau sans basculer. Le courant est trop fort. Comme je ne peux appeler Evola (zone blanche), je dois m’en retourner. Cent kilomètres roulés pour rien. Désœuvrés, les Français m’accompagnent. Arrêt du van, je déplace la première barrière. “Ah, on peut? Si la Garde Civile…”. “On peut, dis-je aux Français. Mais parler la langue, ça aide…”.