A Piedralma même difficulté qu’à Agrabuey. L’orage a drossé des tonnes de caillasse. Arrêtées par l’ouvrage rudimentaire qui fait pont, elles ont bloqué les tubes d’évacuation de l’eau. Quel que soit le débit, l’eau pour franchir l’obstacle maintenant l’eau glisse sur lui. Hier je me rends sur le terrain. Au dernier moment, j’oublie mes bottes. Crainte de m’embourber, je laisse le van sur la route et emprunte le chemin de terre à pied. Enfoncé par les sangliers, détrempé, il patine. Voici le pont. De l’autre côté, au bout d’un chemin montant, le terrain de Piedralma. L’eau de l’Ara est bleue couleur glace. On pourrait s’y baigner puisque, selon la méthode finlandaise, baigner c’est entrer et sortir, mais pour ce qui est de traverser pieds nus, c’est une autre affaire: le temps de la traversée est imposé il n’est pas mesuré. Je m’engage. Trois mètres. Je m’enfonce. Cinq, huit. De l’eau jusqu’à mi-cuisses, je dois ralentir. Le courant pousse mais il y a autre chose: un tapis d’algues. Une chevelure frétille sur le fond de mortier. Je vais finir par avoir mon bain. Prenant pied sur l’autre berge, je crie de douleur. Marcher sur le feu doit procurer la même sensation. Comment fait Evola? Je le trouve près de sa caravane une perceuse à la main. Il troue les montants de la balançoire de ferraille qu’a laissée l’ancien propriétaire, il installe des profils d’aluminium. Ces profils soutiendront des bâches qui elles-mêmes protègeront des intempéries la réserve de bois. Et la rivière? “Oui, j’ai vu…”. Evola pense à laisser sa voiture sur l’autre berge. Il attend le recul des eaux pour l’y conduire. Le navigateur anglais qui acheté le moulin en bas de la vallée lui a prêté des bottes de pêcheur, mais remarque Evola “même avec le pantalon caoutchouc c’est difficile”.