Piedralma

José-Anto­nio le métal­lur­giste, un vieil Espag­nol au physique cour­taud, cul­tive un ter­rain sur les berges de l’Aragon. Il fait le tout du pro­prié­taire pour Evola et son amie et moi, détaille les lop­ins de la serre, oignons, cour­gettes, mel­ons, asperges, explique l’ad­duc­tion d’eau et les engrais, mon­tre ses chiens de chas­se et ses out­ils-machines. Nous repar­tons avec un motocul­teur hissé sur le pont de la Jeep. Le temps est radieux. Vingt-deux le jour. Selon l’habi­tude, je gare mon van sur l’an­ci­enne piste de ten­nis de Piedral­ma (qu’An­to­nio a coulée dans les années 1980 pour ses filles), débar­que table, chaise, cui­sine portable et jer­rycan-fontaine, puis rejoins Evola sur le champ. En qua­tre jours nous labourons le car­ré des patates, traçons les plans à légumes et enter­rons les tuyaux d’ar­rosage. Sur cette terre plaine de cail­loux, le motocul­teur sec­oue comme un bœuf de rodéo. J’es­saie, je renonce. Les stent qu’on m’a plan­tés dans le coeur en novem­bre brû­lent comme des clous enfon­cés au marteau. Evola prend la suite. A la place, je taille les pins et les fruitiers. Il y en a cinquante. Cer­tains sont plus que morts. Un film d’hor­reur, une pochette de dark métal. Le soir, Evola fait du pain. La nuit, il gèle.