Pleine lumière depuis des jours et des jours et voilà que la veille de l’arrivée de Luv le ciel tourne au gris, le vent se lève et le ciel retombe, il neige. Garé près du bar depuis Málaga mon bus était enfin rangé dans le garage municipal. Une semaine que j’attendais, vérifiant chaque matin les plaques de glace qui bloquent les accès et voilà que la neige recommence de tomber: demain ce sera encore la patinoire, car au village personne ne s’occupe de répandre le sel. J’appelle Evola. Coincé depuis dix jours sur le terrain, il raconte qu’un paysan en tracteur vient de sortir la Jeep de la neige pour la tirer jusqu’au pont sur la rivière. Plus tard, une dépanneuse l’a chargée. Elle ne roule plus. Ce soir il dort dans un hôtel de Puente aux frais de l’assurance; ce soir, il est dans les bars, il s’amuse. Mais il est attendu en Suisse où il doit satisfaire à des corvées, remplir des papiers, négocier des aides. Début de soirée, le mécanicien de Puente signale que l’embrayage grillé de la Jeep a été remis à neuf. Evola monte à Agrabuey, achète en ligne son billet pour Genève. Le lendemain, je l’accompagne à Saragosse. Il monte dans le train de Barcelone quand Luv en descend. Entre-deux, je suis allé à mon rendez-vous chez le concessionnaire Volkswagen-bureau-officiel pour l’achat d’un bus-camping tout-terrain. L’employé me reçoit dans un cagibi aquarium au centre de la halle d’exposition. Il est excité et jovial, il est gros et sympathique. Il connaît Agrabuey et demande des nouvelles des voisins. Il cause vélo, voies vertes et randonnées avant d’en venir à notre affaire: “voyez, dit-il en affichant sur son écran d’ordinateur une circulaire en allemand, il y a pénurie de pièces chinoises, aucune livraison de 4x4 n’est prévue avant la fin de l’année”. Alors il téléphone en mon nom à un garage spécialisé dans la customisation et demande de me faire un prix d’ami pour la transformation de mon bus. Puis il recommence à parler vélo.