Mois : décembre 2022

Futur

Dans un monde glob­ale­ment acquis à la fic­tion comme mode d’ac­cès à a réal­ité, le nom­bre de créa­teurs demeure con­stant puis diminue. 

Grave (suite)

Or, c’est exacte­ment ce que je fais, cela depuis des années, et selon Prilepine (in Patholo­gies) qui par­le ici de son père, celui-ci est mort le lende­main de la pre­mière attaque: “Quand papa lisait, il ne res­pi­rait pas d’une façon régulière, comme le font d’habi­tude les humains et les mam­mifères. Il emma­gasi­nait de l’air, et il restait allongé un bon moment, sans rien dire, les yeux fixés sur son livre. Puis il expi­rait, res­pi­rait nor­male­ment quelques instants, ter­mi­nait sa page, la tour­nait, fai­sait à nou­veau pro­vi­sion d’air.”

Cybernétique

Impres­sion­né par cette con­clu­sion spécu­la­tive néan­moins logique de Cerise: “La société sans con­tact, objec­tif du Great Reset, con­siste à enfer­mer les gens chez eux en les con­va­in­cant par un immense lavage de cerveau médi­a­tique qu’il est devenu dan­gereux de sor­tir, puis à utilis­er leur énergie physique et men­tale comme bat­terie pour faire fonc­tion­ner le cyber-espace (télé­tra­vail, inter­face corps-machine de Microsoft, etc.).”

Grave (suite)

Tro­qué les cac­a­houètes con­tre un bol de médica­ments. Pro­duits aux noms bar­bares, acide acetil­sali­cilique, rosu­vas­ta­tine, brilique tica­grelor à fonc­tion d’an­ti-pla­que­ttes, anti-coag­u­lant, ralen­tis­seur et flu­id­i­fi­ant. Assor­ti de ce con­seil, ne pas boire. Com­ment? Car je ne suis pas de cette école des dégus­tants qui aiment à faire vac­iller un fond de vin dans un fond de verre, mais de ceux qui éclusent les quan­tités en bocks. Donc je m’in­quiète. Les pre­miers jours, pas d’ef­fet sec­ondaire, plus tard des péri­odes de suf­fo­ca­tion: je me couche, c’est la nuit, je me réveille, je ne respire plus. Il faut absorber l’air à grandes lam­pées pour liss­er les effets d’emballement, le cœur tape, saute, se tait, tape. Pour pren­dre la mesure du dan­ger, je lis la posolo­gie du médica­ment: décon­seil­lé aux ary­th­miques, aux Viet­namiens, aux Chi­nois, aux alcooliques. Je cesse la prise. “Jamais sans l’avis d’un médecin”, proteste Gala. Résul­tat? Inchangé. Je suffoque.

Dehors

Main­tenant que les villes ont été trans­for­mées en lab­o­ra­toires sous pro­to­coles, mieux vaut s’éloign­er des humains, récupér­er le paysage et s’y tenir seul, atten­tif aux infor­ma­tions de la nature. Ceux qui prisent l’ef­fet de foule installeront des miroirs.

Littérature

Il faut chercher beau­coup pour trou­ver un écrivain der­rière les mil­liers de livres qui parais­sent. Le plus sou­vent il est assis, le dos tourné, penché sur un livre, occupé à lire.

Bernanos 2

Quelle langue, quelle verve, quelle foi! Peu importe que l’on sache en quoi, elle donne à l’écri­t­ure toute la force que l’on puise dans une foi!

Gerry Hofstetter

Mieux que quiconque les Améri­cains savent se faire détester à tra­vers le monde. Aujour­d’hui les Européens (donc nos laquais suiss­es) les imi­tent et les rat­trapent. Quand la caste gou­ver­nante ser­monne les peu­ples sur les économies d’én­ergie. Quand les deux tiers des Ukrainiens subis­sent des pénuries. Quand les livraisons mas­sives d’armes occi­den­tales provo­quent autant de bom­barde­ments de repré­sailles sur les infra­struc­tures, la caste envoie ses artistes d’E­tat illu­min­er les mon­u­ments de Kiev pour “apporter de la lumière à la cap­i­tale ukrainienne”. 

Coslada-banlieue

A Madrid en voiture pour accueil­lir Gala à l’avion du soir. Tou­jours le même plaisir à tra­vers­er les déserts de Soria aux envi­rons de Calatayud et San­ta Maria de Huer­ta, canyons rouges, monastères, val­lées pétri­fiées et grottes à l’a­ban­don, riv­ières poudreuses et dans­es des vau­tours. La camion­nette garée dans Cosla­da, mon sac déposé à l’hô­tel (la cham­bre au dernier étage d’un bâti­ment fran­quiste domine un gira­toire où brille un sapin métallique dans le style révo­lu­tion­naire de Tatlin), je pars en vadrouille dans des rues à tous égards excep­tion­nelles car vivantes, je veux dire habitées par des hommes et des femmes sor­tis des immeubles pour faire des achats de saucisse, de chaus­sures, de fleurs, de pois­son, de pain, de télé­phones, plutôt qu’en flâneurs aéro­por­tu­aires ven­tilés sous les enseignes des monopoles. Pop­u­laire, le restau­rant l’est aus­si quelques heures plus tard lorsqu’un gosse endi­manché nous sert du bœuf ras­sis qui sent la mort, des trognons de salade et du vin piqué tout à côté d’une tablée de locaux ivres qui chante entre chaque bouchée de morue. 

Projet

Répéti­tions avec Nome des exer­ci­ces du futur cours d’au­todéfense. Le temps est maus­sade, par moments il pleut. Depuis que le maire a fait installer l’an dernier un toit sur le fron­ton, c’est un endroit idéal pour s’en­traîn­er. Comme je n’ai pas reparu dans le vil­lage depuis l’in­farc­tus, les voisins d’A­grabuey vien­nent l’un après l’autre me deman­der comme je vais, ce qui s’est passé, si je survis.