A Madrid en voiture pour accueillir Gala à l’avion du soir. Toujours le même plaisir à traverser les déserts de Soria aux environs de Calatayud et Santa Maria de Huerta, canyons rouges, monastères, vallées pétrifiées et grottes à l’abandon, rivières poudreuses et danses des vautours. La camionnette garée dans Coslada, mon sac déposé à l’hôtel (la chambre au dernier étage d’un bâtiment franquiste domine un giratoire où brille un sapin métallique dans le style révolutionnaire de Tatlin), je pars en vadrouille dans des rues à tous égards exceptionnelles car vivantes, je veux dire habitées par des hommes et des femmes sortis des immeubles pour faire des achats de saucisse, de chaussures, de fleurs, de poisson, de pain, de téléphones, plutôt qu’en flâneurs aéroportuaires ventilés sous les enseignes des monopoles. Populaire, le restaurant l’est aussi quelques heures plus tard lorsqu’un gosse endimanché nous sert du bœuf rassis qui sent la mort, des trognons de salade et du vin piqué tout à côté d’une tablée de locaux ivres qui chante entre chaque bouchée de morue.