Grave 2

Silence revenu. Un bon­heur. Le temps est superbe, la lumière est chaude, les vagues roulent au pied de l’hô­tel. Le matériel de la camion­nette apporté dans la cham­bre, nous déje­unons sur la ter­rasse avec la vue sur Mala­ga et Fuen­giro­la. Plus trace de la bagarre de la veille. A peine si j’y pense. Je m’en vais chez José, le marc­hand de cycle, peut-être saura-t-il régler mon prob­lème d’or­di­na­teur. Une bonne demi-heure en sa com­pag­nie, non, il n’y arrive pas. Alors je reviens à l’hô­tel. Comme je suis habil­lé en tenue de course, les Nordiques ne me recon­nais­sent pas lorsque je passe par la récep­tion. Car ils sont là, à négoci­er je ne sais quoi, prob­a­ble­ment le retour de leur argent (la police aver­tit Gala qu’ils avaient réservé pour une semaine). Je pars courir. Comme d’habi­tude, en direc­tion de La Cala del Moral, avec fran­chisse­ment des tun­nels de l’an­ci­enne ligne fer­rovi­aire pour join­dre les plages des vil­lages côtiers. Soudain j’ai mal. Où exacte­ment? Au dos. Je ralen­tis le rythme. Ce que ça peut être? Les pom­pes Super­man. La veille, avant la bagarre, j’ai entraîné des nou­velles séries de pom­pes à détente rapi­de. De là les douleurs. J’ai de plus en plus mal. Je pense: ça va pass­er. Soudain, impos­si­ble de con­tin­uer. Ne serait-ce qu’un pas. Je me couche dans l’herbe. J’ai mal. Je m’assieds, J’ai mal. Je me lève, je marche. Au moins jusqu’au tun­nel. Je l’at­teins. J’en­tre dans le tun­nel et il m’ap­pa­raît comme une évi­dence: si j’en­tre dans ce tun­nel, je ne pour­rai pas en ressor­tir. Alors je me couche sur un banc. Il y a des écol­iers autour de moi. Ils ne sont pas nor­maux, des hand­i­capés, des sim­ples. Le car­diomètre indique que les pul­sa­tions chutent. Je courais à 140 bpm, je suis à 80 bpm… à 73 bpm… Les gamins ne pour­ront pas m’aider, ils ne sont pas nor­maux. 62 bpm. Les écoles s’en vont. Il y a un cou­ple. J’ap­pelle. Je les aver­tis que je vais m’é­vanouir. Ce n’est pas le cas. J’ai de plus en plus mal, je crie, je trem­ble. Le cou­ple prend mon bidon, me passe de l’eau sur le front. Le cou­ple appelle la police, la police appelle l’am­bu­lance. Elle tarde à venir, il n’y a pas de route, c’est la plage. Un autre homme est là. Je demande (ses chaus­sures): vous courez? Non, répond-il, je suis infir­mi­er, je me prom­e­nais. J’ex­plique la bagarre. Le con­tre-coup, la mémoire du corps, un truc de cet ordre. Mais pourquoi est-ce que ça fait aus­si mal? L’am­bu­lance est là. Direc­tion l’hôpi­tal Car­los Haya. Le tra­jet dure vingt min­utes. Je me dis: il vaut mieux mourir, c’est trop douloureux.