Silence revenu. Un bonheur. Le temps est superbe, la lumière est chaude, les vagues roulent au pied de l’hôtel. Le matériel de la camionnette apporté dans la chambre, nous déjeunons sur la terrasse avec la vue sur Malaga et Fuengirola. Plus trace de la bagarre de la veille. A peine si j’y pense. Je m’en vais chez José, le marchand de cycle, peut-être saura-t-il régler mon problème d’ordinateur. Une bonne demi-heure en sa compagnie, non, il n’y arrive pas. Alors je reviens à l’hôtel. Comme je suis habillé en tenue de course, les Nordiques ne me reconnaissent pas lorsque je passe par la réception. Car ils sont là, à négocier je ne sais quoi, probablement le retour de leur argent (la police avertit Gala qu’ils avaient réservé pour une semaine). Je pars courir. Comme d’habitude, en direction de La Cala del Moral, avec franchissement des tunnels de l’ancienne ligne ferroviaire pour joindre les plages des villages côtiers. Soudain j’ai mal. Où exactement? Au dos. Je ralentis le rythme. Ce que ça peut être? Les pompes Superman. La veille, avant la bagarre, j’ai entraîné des nouvelles séries de pompes à détente rapide. De là les douleurs. J’ai de plus en plus mal. Je pense: ça va passer. Soudain, impossible de continuer. Ne serait-ce qu’un pas. Je me couche dans l’herbe. J’ai mal. Je m’assieds, J’ai mal. Je me lève, je marche. Au moins jusqu’au tunnel. Je l’atteins. J’entre dans le tunnel et il m’apparaît comme une évidence: si j’entre dans ce tunnel, je ne pourrai pas en ressortir. Alors je me couche sur un banc. Il y a des écoliers autour de moi. Ils ne sont pas normaux, des handicapés, des simples. Le cardiomètre indique que les pulsations chutent. Je courais à 140 bpm, je suis à 80 bpm… à 73 bpm… Les gamins ne pourront pas m’aider, ils ne sont pas normaux. 62 bpm. Les écoles s’en vont. Il y a un couple. J’appelle. Je les avertis que je vais m’évanouir. Ce n’est pas le cas. J’ai de plus en plus mal, je crie, je tremble. Le couple prend mon bidon, me passe de l’eau sur le front. Le couple appelle la police, la police appelle l’ambulance. Elle tarde à venir, il n’y a pas de route, c’est la plage. Un autre homme est là. Je demande (ses chaussures): vous courez? Non, répond-il, je suis infirmier, je me promenais. J’explique la bagarre. Le contre-coup, la mémoire du corps, un truc de cet ordre. Mais pourquoi est-ce que ça fait aussi mal? L’ambulance est là. Direction l’hôpital Carlos Haya. Le trajet dure vingt minutes. Je me dis: il vaut mieux mourir, c’est trop douloureux.