Evola apporte les premiers numéros de la revue dirigée par Frédéric Pajak, L’Amour. Fasciné par les illustrations et peintures (toiles magnifiques de Sylvie Fajfrowska, de Chantal Petit), les textes — longs de trois cent pages — mettent mal à l’aise. Réfléchis, volontaires, travaillés, ils sont ennuyés et ennuyeux. Parce que j’imagine que pareillement, lorsque j’écris, j’ennuie. “Inutile”, devrais-je ajouter. Qui peut être ou n’être pas sans que cela n’y change rien. Est-ce l’effet d’une revue qui n’a pas de programme révolutionnaire ni de projet esthétique? D’une revue qui juxtapose des textes dont les intentions et les styles diffèrent? Le numéro 2 de la revue affiche un thème: “Contre l’actualité”. Cela ne change rien. Même juxtaposition. Et un effet pervers: les auteurs se mettent à parler d’actualité. Or, sidérés comme que nous le sommes tous, cessant d’être auteurs, ils racontent alors des petits vies qui ressemblent aux petites vies de tous les hommes et femmes que broie notre société. La question est donc: que faudrait-il écrire? D’abord, il ne faut pas. Ensuite, toute personne qui écrit avec sérieux sait que cette question n’a pas de sens. Ce qu’on peut, voilà ce qu’on écrit. Prioritairement ce qui nous intéresse. De fait, l’écrivain ne peut écrire avec énergie et profit (en vue d’obtenir quelques lecteurs) que sur les sujets qui s’imposent, les sujets qui le démangent, les sujets qui lui permettront de se connaître. Fin de la question — l’écrivain n’a pas le choix. Ainsi l’on pourrait dire: la revue invite à un exercice antinaturel. L’écrivain se demande ce qu’il pourrait faire. Las de se le demander, il trouve une parade. La parade étant une parade, l’ennuyé produit de l’ennui. Tout de même, je suis mal à l’aise. La question demeure: peut-on donner quelque chose de soi, quelque chose d’honnête, à une revue ?