Agrabuey

Au vil­lage recom­mence le proces­sus de sépa­ra­tion. Entre­prise facile quand on vit dans un trou. Seules émer­gent au-dessus des pinèdes quelques vach­es et encore il faut se tenir dans l’an­gle du jardin et tor­dre le cou entre les toits et les chem­inées. Le reste du temps je suis seul, j’é­coute bour­don­ner mon oreille gauche qui a défini­tive­ment lâché à la suite de l’é­coute sur­voltée de Wiegen­dood. Parvi­en­nent jusqu’i­ci, relayés par les admin­is­tra­tions d’une société qui se prend pour le monde, des mes­sages de police, d’av­o­cats et d’autres mafieux entés sur le corps de l’E­tat. Je réponds ou ne réponds pas. Sou­vent j’in­sulte, par­fois je raille. Si ça ne passe pas, que les cour­ri­ers, les deman­des, les injonc­tions revi­en­nent, j’es­saie une autre stratégie: la pro­cras­ti­na­tion. Dire “oui, mais…”. Faire tra­vailler les admin­is­tra­teurs. Don­ner du papi­er à noir­cir, agac­er. L’essen­tiel est de récupér­er des moyens d’ex­is­tence. De les compter. De les affecter pour n’avoir plus affaire à la mécanique col­lec­tive, pour n’avoir plus à pactis­er. Je m’ap­proche du but. D’ailleurs cette folie que l’on nomme société ne peut tenir. Elle craque. Lorsque les yeux clos j’or­donne ma pen­sée et la con­tem­ple du fond de mon trou, cela sem­ble évident.