Vers l’Espagne 6

Ascen­sion du Por­talet. Je ne me sou­ve­nais pas. J’ai gravi ce col sous la neige lorsque j’habitais le Gers, je l’ai emprun­té ces dernières années, aujour­d’hui il m’a sem­blé inter­minable. Il l’est, il y a 27 kilo­mètres de mon­tée. Ce sont d’abord des vil­lages dressés sur la pente, puis des forêts de pins et de fougères, ce matin humides, encais­sées, pleines de voitures et de motards, de bruit et enfin, cela se dégage vers Artouste, la haute mon­tagne com­mence, avec elle la res­pi­ra­tion devient meilleure, la vue est dégagée, il y a des vach­es sous les nuages et beau­coup de ciel. Sur la fin — les derniers 5 kilo­mètres — je manque d’en­train, je joue à gag­n­er con­tre un cycliste fil­i­forme que je vois dans mon rétro­viseur, il s’est juré de dépass­er le vieux aux sacoches. Arrivé le pre­mier, je bute sur un Hol­landais qui crache ses poumons. Je le plaisante, ce qui ne le fait pas rire. Il monte un vélo à piles et demande “de l’autre côté, c’est com­ment?”. Il veut dire “vers la France”. Plus dur. Or, sur son vélo élec­trique, il arrive de Salent de Gal­lego qui est situé à qua­tre kilo­mètres. Côté Aragón, la chaleur aug­mente. Je retire un habit, puis un autre. Quand il ne reste plus rien j’ar­rête, mais on pour­rait cir­culer nu tant la chaleur est grosse. Sur le tronçon Sabiñani­go-Jaca, je compte 38 degrés. A l’heure du repas, je suis dans Agrabuey. Le paysan m’ac­cueille. J’ai roulé 1050 kilo­mètres pour 11’000 mètres de mon­tée en six jours et demi.