Vers l’Espagne 5

A Adé comme à Teru­el, des Boe­ing posés au milieu des champs, mais c’est un restau­rant que je cherche car à force de pédaler à tra­vers les reliefs on oublie les sit­u­a­tions et les hommes et faute d’at­ten­tion je n’ai pas su que nous étions jour de l’as­cen­sion, jour férié. Je trou­ve des Mac­a­ro­nis quelque part sur une ter­rasse le long de la route et j’ai chaud et j’ai froid car le soleil ce jeu­di est incon­stant. Le café bu, je remonte à vélo. Déjà je sens la fin du voy­age ou plutôt le début des Pyrénées et j’ac­célère. En milieu d’après-midi, je suis à Lour­des. De là, je remonte la val­lée de l’Ouzoum, petite riv­ière encais­sée, pon­tons de pierre, pacages, écrins de ver­dure, maisons au pied des pans de mon­tagne; j’ou­bli­ais que la source est néces­saire­ment en hau­teur et qu’i­ci la hau­teur se nomme le col de Soulor. Quand je com­mence l’as­cen­sion des 11 kilo­mètres, un cycliste hésite. Je lui mon­tre mes sacoches, mon poids, la dis­tance par­cou­rue depuis le matin, je lui dis: “nous allons mon­ter ensem­ble, je roule lente­ment”. Le pre­mier pan­neau indique: 9% sur trois kilo­mètres”. Il renonce. Il n’a pas tort. C’est long, c’est dur. Au col, je vois que je n’en ai pas fini. Ma route passe par l’Aubisque. Or, la liai­son par la mon­tagne est fer­mée. La patronne du refuge dit : “vous pou­vez y aller mais ne tombez pas, per­son­ne ne vien­dra vous chercher”. C’est ain­si que j’ar­rive de nuit et dans le brouil­lard à Laruns, en terre con­nue, prêt à affron­ter le lende­main la dernière droite vers l’Espagne.