Mois : mars 2022

Parc

Dif­fi­culté à trou­ver de la bière de con­som­ma­tion courante dans la cam­pagne française. Comme en Suisse ou en Espagne, les monopoles nationaux ont évincé la con­cur­rence des pays de qual­ité, Alle­magne en tête; s’ad­joint un phénomène neuf, en par­tie poli­tique: effet des vex­a­tions admin­is­tra­tives dont font l’ob­jet les jeunes (exclu­sion par les prix hauts des lieux de bois­sons), les cen­trales de vente acha­lan­dent des bières d’ivrognes qui pointent à six, sept et huit degrés, ce qui me rap­pelle qu’en­fant à Helsin­ki dans les années 1972, lorsque j’al­lais me luger dans le parc de Kaivopuis­to, les clochards tombés entre les pier­res marines cuvaient une mix­ture de lait, d’eau de Cologne et de vin.

Droits de l’homme

“Je vis comme je veux” est le défi d’avenir et le seul qui rétab­lisse l’homme dans ses droits.

Police

Tech­niques poli­cières de maîtrise des fuyards en voiture sur les périphériques des mégapoles améri­caines calquées sur le rodéo: les cav­a­liers bous­cu­lent, réduisent et cap­turent la proie.

Vie

Mon­fils m’en­voie de réjouis­santes images de la rave à laque­lle il par­tic­i­pait durant la nuit. Corps en fête, désor­dre, chaleur, énergie. Faire et être en dépit des cir­con­stances ou con­tre les cir­con­stances, pas de meilleure preuve de jeunesse, pas de plaisir plus néces­saire. Dans Les vagabonds du rail, recueils de sou­venirs de Jack Lon­don sur sa péri­ode “hobo”, il avait alors dix-huit ans, il écrit: “De temps à autre, dans les jour­naux, mag­a­zines et annu­aires biographiques, je lis des arti­cles où l’on m’ap­prend, en ter­mes choi­sis, que si je me suis mêlé aux vagabonds, c’est afin d’é­tudi­er la soci­olo­gie. Excel­lente atten­tion de la part de mes biographes, mais la vérité est toute autre: c’est que la vie qui débor­dait en moi, l’amour de l’aven­ture qui coulait dans mes veines, ne me lais­saient aucun répit.”

Jeu

Sur tous les ter­ri­toires, pertes immenses des lib­ertés. Tan­dis que la guerre dans l’Est retient toute l’at­ten­tion, Chi­nois, Français, Améri­cains, Aus­traliens, cha­cun dans ses dépen­dances prof­ite d’a­vancer ses pio­ns sans avoir à ren­dre compte.

Aigues

Avec ses vil­lages jaunes entre vignes et labours, le Lubéron est un pays calme. La mai­son d’un étage est bâtie au milieu d’un ter­rain de six mille mètres. La piscine est cou­verte d’une bâche que fait danser le vent. La pre­mière semaine, un soleil print­anier brille dès dix heures. Avant de quit­ter l’Es­pagne, j’ai fait quelques plans. Ven­dre­di dernier, j’es­saie l’un d’en­tre eux. Le vélo chargé d’eau et de quelques habits, je roule sur une route de cam­pagne. La sen­sa­tion est la même qu’en Aragon: pas un homme sur les ter­res, des mas aux volets tirés, des tracteurs à l’ar­rêt. Un peu plus loin, une série de chais aux abor­ds d’une grange de pierre. Le vitic­ul­teur tra­vaille. Je quitte la route, emprunte un chemin large et car­ross­able. Dans la forêt, il y a des ran­don­neurs. Le chemin grimpe en direc­tion de la chaîne du Lubéron, la pente durcit. J’ai tracé trop vite. Ces sin­u­osités blanch­es sur la carte élec­tron­ique, ce sont les accès qu’u­tilisent les machines-out­ils. Il sont rav­inés et cabossés, rem­plis de pierre, tra­ver­sés de troncs . Quand je n’ai plus assez de forces pour tourn­er le pédalier (vélo de voy­age mono­plateau), je pousse. Arrivé au som­met, je suis à six cent mètres, Manosque est à l’est, Per­tu­is au sud; Apt à vingt kilo­mètres, der­rière l’é­paule et je vois deux lacs. Le chemin finit devant un réser­voir, com­mence un sen­tier. Il me ramène vers le col où je retrou­ve la route. Céreste, Castelet, Saignon, je pédale pen­dant une heure, après quoi c’est de nou­veau un chemin, la forêt, les sen­tiers. Der­rière la clô­ture d’une ferme, un chien de pas­teur — il me regarde. Est-ce que je vais m’en­gager? Mon lecteur de carte indique 7 kilo­mètres jusqu’à la mai­son. Pas de doute sur ce que cela sig­ni­fie: grimper en pous­sant jusqu’au som­met, dévaler l’autre ver­sant en por­tant le vélo. Je fais demi-tour, remonte sur le col, passe une bastide en réno­va­tion, tra­verse l’ex­cel­lent hameau de Fontjoyeuse dont les rues filent sous les maisons, retrou­ve au bout de 60 kilo­mètres le vitic­ul­teur et la maison. 

Equation

Fiers de pré­ten­dre con­naître des rich­es, les pau­vres leur con­fient leur argent; c’est pourquoi il y a des pau­vres et des riches.

Endormissement

La paix, le con­fort, le désor­dre tran­quille, l’é­pais­seur de con­science qui s’en­suit, génèrent ce faux sen­ti­ment, ce sen­ti­ment dan­gereux, que rien ne peut venir de l’ex­térieur ce qui con­tribue au sen­ti­ment de con­fort, de paix, de tran­quil­lité et de faux.

Maison

Con­stru­ire une mai­son c’est quelque chose, la tenir, l’habiter, la faire advenir en est une autre.

Fin

Expulser de la vie l’idée de la mort est le meilleur moyen de met­tre la vie au ser­vice de la mort.