Aigues

Avec ses vil­lages jaunes entre vignes et labours, le Lubéron est un pays calme. La mai­son d’un étage est bâtie au milieu d’un ter­rain de six mille mètres. La piscine est cou­verte d’une bâche que fait danser le vent. La pre­mière semaine, un soleil print­anier brille dès dix heures. Avant de quit­ter l’Es­pagne, j’ai fait quelques plans. Ven­dre­di dernier, j’es­saie l’un d’en­tre eux. Le vélo chargé d’eau et de quelques habits, je roule sur une route de cam­pagne. La sen­sa­tion est la même qu’en Aragon: pas un homme sur les ter­res, des mas aux volets tirés, des tracteurs à l’ar­rêt. Un peu plus loin, une série de chais aux abor­ds d’une grange de pierre. Le vitic­ul­teur tra­vaille. Je quitte la route, emprunte un chemin large et car­ross­able. Dans la forêt, il y a des ran­don­neurs. Le chemin grimpe en direc­tion de la chaîne du Lubéron, la pente durcit. J’ai tracé trop vite. Ces sin­u­osités blanch­es sur la carte élec­tron­ique, ce sont les accès qu’u­tilisent les machines-out­ils. Il sont rav­inés et cabossés, rem­plis de pierre, tra­ver­sés de troncs . Quand je n’ai plus assez de forces pour tourn­er le pédalier (vélo de voy­age mono­plateau), je pousse. Arrivé au som­met, je suis à six cent mètres, Manosque est à l’est, Per­tu­is au sud; Apt à vingt kilo­mètres, der­rière l’é­paule et je vois deux lacs. Le chemin finit devant un réser­voir, com­mence un sen­tier. Il me ramène vers le col où je retrou­ve la route. Céreste, Castelet, Saignon, je pédale pen­dant une heure, après quoi c’est de nou­veau un chemin, la forêt, les sen­tiers. Der­rière la clô­ture d’une ferme, un chien de pas­teur — il me regarde. Est-ce que je vais m’en­gager? Mon lecteur de carte indique 7 kilo­mètres jusqu’à la mai­son. Pas de doute sur ce que cela sig­ni­fie: grimper en pous­sant jusqu’au som­met, dévaler l’autre ver­sant en por­tant le vélo. Je fais demi-tour, remonte sur le col, passe une bastide en réno­va­tion, tra­verse l’ex­cel­lent hameau de Fontjoyeuse dont les rues filent sous les maisons, retrou­ve au bout de 60 kilo­mètres le vitic­ul­teur et la maison.