Qu’est-ce qu’un événement? Une violoniste qui interprète un morceau de musique, un boucher qui découpe un volaille, un notaire qui enregistre un mariage. Des actes ou des paroles qui modifient le monde. Ou du moins la société. Des actes ou des paroles qui lestent les flux dont les terminaisons sont des individus. L’événement est ce qui modifie un ou plusieurs individus. Il exige un effort de production et a donc un coût. Rien de plus normal. Ce qui l’est moins, c’est la proportion des non-événements. En croissance continue. Croissance d’autant plus rapide que la société est économiquement plus moderne. Comme le nom l’indique, les non-événements sont des actes ou paroles qui consistent à se payer pour faire valoir, montrer, juger, exposer, définir, formaliser, amender ou encore vendre des événements. Certes, il faut un effort pour produire un non-événement. Mais dans la mesure où il s’agit d’une “absence d’événement” le flux qu’il intégrera n’en sera pas modifié. Dire que “la volaille fermière de la boucherie Norbert est la meilleure”, vanter les mérites “de la jeune virtuose russe” ou contresigner l’engagement des époux au mariage n’ajoute rien — sinon un coût au coût de l’événement. Or, dans notre bloc du Nord, plus de la moitié des individus sont aujourd’hui rémunérés pour produire des non-événements. Ce ne sont pas les gens qui produisent des événements qui peinent à profiter des autres événements, c’est la quasi-totalité de la société qui peine à profiter de la quasi-totalité des événements en raison du coût additionnel et aberrant qu’y ajoute la production absurde et nuisible — car rémunérée sans base productive — des non-événements.