N’en déplaise aux idéalistes, dans une société d’argent l’argent contribue à la liberté. La logique du travail que décrit Weber dans son éthique protestante, une fois enlevée l’approche religieuse, conserve une valeur psychologique et morale: le travail comme engagement et sacerdoce servira pour un temps encore de principe structurant de l’existence, mais il est à parier que nous vivons le crépuscule de cette approche qui donnait sens aux vies ouvrières et bourgeoises. Alors que l’argent, promu valeur universelle et exclusive, permet non seulement de contourner le problème du labeur, mais encore les règles et les lois. Témoin de cette évolution anti-idéaliste de la liberté pratique (et pour partie spirituelle tant il est vrai qu’il n’y a de méditation possible que si le temps n’est pas compté), la situation actuelle de mes anciens compagnons de squat, particulièrement ceux qui ont transformé le rapt de propriété en utopie urbaine rachetant via des coopératives des immeubles dans les centres-villes, s’établissant comme locataires sur ces propriétés hypothéquées, édictant des règles de liberté propres à la communauté, cela au nom d’une pédagogie de l’habitat qui renvoie plus aux groupements hippies et aux intellectuels néosocialistes tels que Hundertwasser ou Illich qu’aux occupations punk des années 1980–1990. Que se passe-t-il ces jours? Leurs bâtiments situés au cœur des villes sont soumis à toutes les vexations qu’organise le pouvoir. Leurs bâtiments sont propriétés des banques car ils ne sont jamais parvenus à les racheter. Leur modèle de consommation fondé sur le pillage tranquille s’essouffle car ayant misé sur l’exploitation de la société d’abondance ils la découvrent en faillite. Leurs employabilité est mise à mal par la fin du “ruissellement” lié à cette même prospérité. Enfin, leurs enfants désertent le mode de vie idéal. Dans toutes ces situations, c’est d’argent dont il est question — de son manque.