Col

Il est en impasse, à mil cinq cent mètres et je grimpe à petite vitesse entre deux murs de neige molle. Je prévoy­ais un ren­dez-vous en mairie de Fecho pour la doc­u­men­ta­tion sur les grottes; il est annulé. Or, j’avais prévu de m’y ren­dre à vélo. Frus­tré, je roule dans la même direc­tion, je dépasse la mairie, emprunte un pre­mier col, me fond dans la val­lée, emprunte un sec­ond col, remonte le cours de la riv­ière, vais-je con­tin­uer? Je con­sulte le comp­teur, quar­ante deux kilo­mètres déjà — il fau­dra les par­courir dans l’autre sens après avoir atteint le col de mil cinq cent mètres. Qui me paraît, mesuré en ter­mes d’ef­forts, plus dur que dans le sou­venir. Ajou­tons que je ne suis pas revenu sur ce ver­sant depuis la fin de l’été, que sur le bord de mer andalou je n’ai fait que courir et que j’emmène ce matin mon vélo de voy­age qui pèse deux fois le poids du vélo de course. Arrivé au som­met — petit som­met, espag­nol, ce ne sont pas nos Alpes — je me pho­togra­phie au milieu des skieurs de fond, avale un liq­uide rouge, mâche une barre, dévale sept kilo­mètres. Là, au vil­lage per­ché de Aragouïs, je lève les yeux. Posé sur le som­met que je dois franchir, un nuage. Devant moi, assoupies dans le dernier soleil, deux vach­es. Je démarre, elles s’en­lèvent. Plus loin, une fille qui marche seule. Puis le silence des pins et les roues qui tour­nent (7 km/h sur une pente à 12%). Pour avoir souf­fert de ce bitume défon­cé, je crains de souf­frir encore. Mir­a­cle, j’at­teins en moins de trente min­utes mon nuage, à peine hale­tant, incré­d­ule, plus qu’in­cré­d­ule revigoré!