Si je suis à Malaga, c’est parce que Gala a proposé d’y venir. De même qu’elle a proposé d’aller chez le dentiste à Budapest. Elle n’est pas venue à Budapest. Elle ne vient pas à Malaga. Onze semaines que j’étais seul à Agrabuey entre la fontaine, l’ordinateur et mes conversations avec le paysan. Un temps si long, et plus encore du fait des émotions de rage, de dépit, d’angoisse que provoque l’avènement de la dictature, que je peinais à me voir partir, imaginant pour la première fois peut-être que ce serait compliqué de quitter ce trou, de remonter à la surface, de nager avec les autres (vint même cette minute où, à la veille du départ pour la Hongrie, je manquais renoncer). Un temps de pause si long qu’il rendait nécessaire le départ, car peut-être finit-on véritablement par ne plus pouvoir ressortir du trou, particulièrement si celui-ci est confortable, je veux dire soigneusement nidifié. Retrouver la plage cendrée de Rincon, la mer qui bat, la promenade des Andalous, les perroquets, les bananiers, l’infinie répétition des heures et des jours de la population côtière, rassure — il y a autre chose, ailleurs.