Mois : novembre 2021

Bras 2

Rien à faire, je balade ce bras comme s’il était fait d’une toute autre matière, comme s’il avait cessé de faire par­tie de mon corps. Je le porte. Comme cela suf­fit, je vais chez le phys­io­thérapeute. C’est une femme. Elle me fait couch­er. Elle me relève : “je ne peux rien faire, ren­dez-vous tout de suite aux urgences!”.

Avenida del Mediteráneo

Si je suis à Mala­ga, c’est parce que Gala a pro­posé d’y venir. De même qu’elle a pro­posé d’aller chez le den­tiste à Budapest. Elle n’est pas venue à Budapest. Elle ne vient pas à Mala­ga. Onze semaines que j’é­tais seul à Agrabuey entre la fontaine, l’or­di­na­teur et mes con­ver­sa­tions avec le paysan. Un temps si long, et plus encore du fait des émo­tions de rage, de dépit, d’an­goisse que provoque l’avène­ment de la dic­tature, que je peinais à me voir par­tir, imag­i­nant pour la pre­mière fois peut-être que ce serait com­pliqué de quit­ter ce trou, de remon­ter à la sur­face, de nag­er avec les autres (vint même cette minute où, à la veille du départ pour la Hon­grie, je man­quais renon­cer). Un temps de pause si long qu’il rendait néces­saire le départ, car peut-être finit-on véri­ta­ble­ment par ne plus pou­voir ressor­tir du trou, par­ti­c­ulière­ment si celui-ci est con­fort­able, je veux dire soigneuse­ment nid­i­fié. Retrou­ver la plage cen­drée de Rin­con, la mer qui bat, la prom­e­nade des Andalous, les per­ro­quets, les bananiers, l’in­finie répéti­tion des heures et des jours de la pop­u­la­tion côtière, ras­sure — il y a autre chose, ailleurs.

Bras

Mon bras gauche ne bouge plus. La main, ça va, mais le bras, impos­si­ble. Si je veux me touch­er le men­ton, je hurle de douleur, ne l’at­teins pas. Pour sor­tir, je veux pass­er une veste: il faut renon­cer. A la phar­ma­cie, on me dit “le masque est oblig­a­toire”. Je réponds: je n’ar­rive pas à le met­tre. Les anti-inflam­ma­toires font leur effet, mais la sou­p­lesse ne revient pas. Je tends les deux bras devant moi, par-dessus la balustrade du bal­con. Bras droit comme pour le salut romain, bras gauche à l’équerre.

28 novembre

Arrivé à Rincón de la Vic­to­ria en soirée. Splen­dide cham­bre blanche ouverte sur la mer. Fin de journée douce, torse nu. Soleil ras et rouge. Mon Chi­nois habituel me tient la Skol au frais. Il suf­fit de tra­vers­er depuis l’hô­tel. Je rav­i­taille avec le sac à dos, avale la bière sur la ter­rasse. Seul prob­lème, le den­tiste de la rue Viseg­rad qui a blanchi mes dents au laser a inter­dit pen­dant une semaine la con­som­ma­tion d’al­cool (ni de manger trop chaud ou trop froid, ni de boire du café). J’achète des pailles, passe la bière directe­ment du verre au gosier. C’est mon anniversaire. 

Grippe 2022

Pour met­tre à l’ar­rêt le vivant et détru­ire l’e­sprit de toute une société, il faut que se ren­con­trent deux fac­teurs, une poignée de malveil­lants qui intrigue pour sus­pendre les lib­ertés et une majorité de névrosés qui se réjouit de voir ses lib­ertés suspendues.

Comme des chiens

La route est con­tenue entre deux murets de mau­vais morti­er. Ma belle-mère hon­groise com­mente: “seul accès à l’aéro­port. Suf­fit d’un acci­dent et tout est blo­qué. Trente ans que le gou­verne­ment s’en­gage à l’élargir!”. L’ob­sta­cle sur­mon­té, elle gare la Vol­vo devant le ter­mi­nal. Halle éclairée dans une nuit sale, mar­bres silen­cieux, traf­ic pau­vre. Impres­sion cor­rigée dès le pas­sage du con­trôle des per­son­nes: les voyageurs font la queue au tax-free, jouent une Porsche à la tombo­la, man­gent des ham­burg­ers — il est sept heures le matin. Je prof­ite du temps qu’il me reste pour acheter en ligne un chronomètre de course. L’opéra­tion tire en longueur, je suis le dernier à attein­dre la porte d’embarquement. A l’en­trée du car­ré des pas­sagers, cinq jeunes. Le pre­mier vise mes doc­u­ments de voy­age. “Et le code?”. ‑Vous l’avez en main!  “Pas le test, l’autre code, celui qui vous autorise à entr­er en Espagne”. De quoi par­le-t-il? Le jeune affiche sur son portable un site inter­net, fait défil­er une série de fenêtres — celles que j’au­rais dû rem­plir. Sur un hausse­ment s’é­paules, je reprends mes doc­u­ments et vais m’asseoir. Affole­ment des jeunes qui se pré­cip­i­tent, m’en­tourent, me men­a­cent: si je ne quitte pas immé­di­ate­ment le parterre des élus, ils appelleront la police. Je les nar­gue. Le ton monte. Trois cent pas­sagers assis­tent au spec­ta­cle. “Quoi, dis-je, ces gens-là ont donc tous leur code ?”. Les jeunes sont affir­mat­ifs: je suis le seul à ne pas être por­teur du Sésame. Prob­lème, l’avion est prêt à l’embarquement. Ce n’est pas men­tir: à peine ont-ils dit que les pas­sagers se lèvent et marchent en direc­tion de l’ap­pareil. Donc, je n’ai pas le choix. Je sors mon ordi­na­teur, le pose sur un siège. Le jeune s’emporte : “vous n’avez pas le droit de touch­er à ce siège, il appar­tient à la salle d’at­tente!”. ‑Enculé va! Il a com­pris. Donc il appelle la police. Voilà, je vais rater l’avion. Or, ma voiture est garée à Ali­cante, j’ai 600 km à rouler et une réser­va­tion pour une semaine dans un hôtel de Rincón. Je bats en retraite, pose l’or­di­na­teur sur le sol (dans les par­ties com­munes, pas de mobili­er). Les jeunes font cer­cle. Six paires de fauss­es Nike sous mon nez. “Et main­tenant, dis-je en me tor­dant le cou, je fais quoi, je n’y com­prend rien à votre truc!” Celui qui aime la police fait : “nous ne sommes pas là pour résoudre les prob­lèmes des pas­sagers. Et met­tez votre masque!”. Il s’en va. Ses col­lègues approu­vent. Et suiv­ent. Je ne mets pas le masque. Reste un jeune. Le cinquième. Moins hargneux. Je lui tends l’or­di­na­teur. Il s’en saisit, me dit ce qu’il va faire. D’abord, trou­ver un réseau. Ensuite, trou­ver le site du gou­verne­ment espagnol…géré par Google. Le jeune me guide alors comme on fait d’un gosse — je laisse faire. “Là où il est écrit “nom”, vous écrivez nom, me dit-il. Ici, vous met­tez l’adresse… celle où vous étiez, en Hon­grie… Là, celle où vous vous ren­dez… En bas, vous écrivez votre domi­cile… Le code de votre test main­tenant…” Au bout de dix min­utes, nous y sommes. “Tous les champs sont ren­seignés” comme on dit dans le jar­gon tech­no-puni­tif. Cepen­dant, les derniers pas­sagers mon­tent dans l’avion. “Et main­tenant?”, je demande. Le jeune: “vous devez avoir reçu un code sur votre adresse de mes­sagerie.” Sauf que je n’ai pas don­né mon adresse per­son­nelle aux Améri­cains, mais celle du bureau de Fri­bourg et n’ai pas les codes pour y accéder. Résul­tat, la véri­fi­ca­tion est impos­si­ble. Le grand pro­jet de ren­seigne­ment s’ef­fon­dre. Il faut tout recom­mencer. A nou­veau dix min­utes. “Le pilote n’at­ten­dra pas plus longtemps”, aver­tit le jeune qui aime appel­er la police . Je tends l’or­di­na­teur. L’autre jeune pian­ote. Il rem­plit les cas­es. Le code arrive par mail. “Main­tenant, dit le jeune maître, vous ouvrez le lien qui se trou­ve dans le mail et vous répon­dez aux ques­tions qui vous sont posées”. Quoi? “Oui… il faut rem­plir un sec­ond doc­u­ment”. Via l’écran du télé­phone, en pres­sant de l’in­dex des touch­es de la taille de con­fet­ti avec un masque sur la bouche, le nez, les yeux. Enfin j’en­tre dans l’avion, l’hôtesse ver­rouille la porte, les pas­sagers me dévis­agent. Deux heures cinquante cinq plus tard, même bar­rage de jeunes à l’aéro­port d’Al­i­cante, en fauss­es bas­kets, en véri­ta­ble uni­forme, prêts à sauver le monde. Au moyen de pis­to­lets ils scan­nent le front des voyageurs, au moyen de détecteurs ils flashent les codes-papi­er. Nous ne sommes pas malades ni sur le point de mourir, nous pou­vons entr­er en Espagne. 

   

Magie noire

Le maître en cet art, Klaus Schwab. Un médiocre qui jamais n’a obtenu d’align­er deux idées cohérentes (voire son texte The Great Reset) et sert de penseur — avec quelques homo­logues — à une coali­tion de prédateurs. 

Magie noire 2

Le Forum Economique Mon­di­al nous vante dans ses vit­rines un monde meilleur dont il ne démon­tre pas les mérites dès lors qu’il est imposable.

Nouveau monde

Les Améri­cains ont inven­té la sim­plic­ité. Rien de plus dan­gereux que la sim­plic­ité. Ce qui est com­plexe, donc aléa­toire, c’est à dire vivant, doit être simplifié.

Grippe — 2022

La par­tie cen­trale du drame n’est pas jouée. Elle le sera en début d’an­née. Main­tenant que les peu­ples ont prou­vé avec docil­ité leur volon­té de se couper du des­tin per­son­nel et unique, le pro­jet mon­stre va entr­er dans sa phase coerci­tive. Les insti­ga­teurs, crain­tifs quoiqu’en en pense devant leur pro­pre mon­stru­osité, vont pass­er à l’exé­cu­tion du plan.