Mois : septembre 2021

Est 23

Poubelle si petite que l’on ne peut rien y met­tre sinon cette affiche: tout détri­tus placé en dehors de la poubelle est sus­cep­ti­ble d’une amende de 5000 Lei.

Complexe

Si nous accep­tons cet inac­cept­able, que l’on chas­se la vie de nos sociétés, c’est que nous avons aupar­a­vant, cha­cun, à force de minus­cules con­ces­sions, muti­la­tions, renon­ce­ments chas­sé la vie de nos exis­tences. Aujour­d’hui soulagés d’en­ten­dre le pou­voir, les pou­voirs et leurs sup­plétifs don­neurs de leçons, agents de cau­tion, réas­sureurs, nom­mer vraie, juste, néces­saire cette attaque mas­sive con­tre la vie.

Est 22

Petite fille assise sur la ban­quette arrière de la voiture. Nous sommes dans un embouteil­lage à la périphérie de Sofia. Je lui souris. Elle sourit. Je fais un signe. Elle fait un signe. Remuant les lèvres, je par­le comme les muets. Elle m’imite. Puis le père comble le vide devant lui, la petite fille n’est plus là.

Etats-Unis (2)

Inca­pac­ité guer­rière des Améri­cains. Peur, pré­ten­tion, gabe­gie, chaos. Le ciné­ma est leur seule arme.

Est 21

Palais des Ceauces­cu. Aux alen­tours de cette colos­sale  pâtis­serie, le néant. Nous sommes same­di.  Depuis l’hô­tel, pas croisé une âme. La Dambovi­ta char­rie les eaux jaunes de l’or­age à tra­vers une ville fan­tôme.  Pourquoi? Le jour est-il férié? Je désigne les arcades. Celles qui devraient être ouvertes sont fer­mées. Les autres sont aban­don­nées, démolies, brûlées, effon­drées. De même que les immeubles. Deux sur trois sont borgnes. A l’hori­zon, le Palais. Presque ras­sur­ant. Evola l’a vis­ité il y a vingt ans. Nous entrons par la petite porte. Vingt vis­i­teurs, tous étrangers. Nous prenons la file pour obtenir un tick­et. Devant nous, un Français au pro­fil Guide Miche­lin. Sans un bon­jour, une grosse femme lui aboie dessus: “avez-vous réservé! Vous com­prenez ce que je dis! Alors, de côté!”. Le Français va rejoin­dre le groupe des refoulés que cha­peaute un bon­homme en uni­forme qui lui aus­si aboie. Evola à ce mot: “c’est pour nous met­tre dans l’am­biance”. Or ce sont juste des fonc­tion­naires. Frus­trés. Un same­di. Dans Bucarest. Fin du pro­jet de vis­ite. Le Français reste. Nous lui souhaitons bonne chance. Retour dans le parc Izvor. Jeux d’en­fants sans enfants. Kiosque à glace au rideau à demi tiré. Der­rière un bosquet, une tente de camp­ing. Puis, fran­chissant les grilles du parc, à nou­veau ces immeubles verts de mouss­es, bar­i­olés de graf­fi­ti, éven­trés, tombants. Evola annonce qu’il se réfugie dans sa cham­bre. Je fais pareil, aligne des pom­pes, prend une douche, bois une bière, aligne d’autres pom­pes. A la faveur d’une accalmie je sors, arpente les rues du dis­trict rouge, regarde les filles se pré­par­er, attends Evola sur la ter­rasse du Oktoberfest. 

Est 20

 Cris hor­ri­bles des chats.

Est 19

Coups de ton­nerre au-dessus de Bucarest. Des éclairs de chaleur stri­ent le gris du ciel. A nou­veau, grande dif­fi­culté à trou­ver l’hô­tel. Le Old Bucuresti. Les pho­togra­phies sont trompeuses. Notre époque de mar­ket­ing général abuse du grand angle. Les cham­bres ressem­blent à des salons, les bâti­ments à des build­ings, les jardins à des ter­rains de foot. Puis il y a la fatigue. Pour entr­er en Roumanie depuis Sofia, j’ai roulé sur la plus dan­gereuse des routes. La voie est étroite, bom­bée, brisée, mais rec­tiligne. Sur le côté, des putains gitanes, des paysans, des car­cass­es de voitures. Tout le monde dépasse. Le rétro­viseur? A quoi bon? Le cal­cul de la dis­tance? Inutile. L’an­tic­i­pa­tion? Pour les mau­vi­ettes. Ici, la con­duite est une affaire d’hon­neur. Il faut défi­er la mort. Quand je peux, je me cache der­rière un camion, quand c’est impos­si­ble je serre les dents. D’où cette fatigue à l’ar­rivée, après qua­tre heures d’ef­froi. Et la journée n’est pas finie. Main­tenant que nous avons repéré l’hô­tel, il s’ag­it de gar­er la Dodge. Le géomètre était amoureux. Les cas­es dess­inées au sol sont naines. J’es­saie. J’es­saie encore. Je renonce. L’or­age éclate. Le récep­tion­niste accourt avec un para­pluie. Il désigne  un ter­rain vague. “Un park­ing offi­ciel”, dit-il. Je m’y rends. Une paire de Roms m’ac­cueille. Trop heureux de me débar­rass­er de la voiture, je paie. Nous man­geons chez un Ital­ien. Avec la nuit, la pluie cesse. Nous sor­tons: mille per­son­nes dansent dans la rue au son de la tech­no, des filles a demi-nues aguichent depuis les estrades, les stro­bo­scopes tour­nent. Pas de virus dans cette cap­i­tale sauf à l’hô­tel où les restric­tions sont appliquées à la let­tre, pour les touristes, dès fois que ceux-ci se met­tent en tête de cri­ti­quer le plan san­i­taire de l’étab­lisse­ment (le délire est tout occi­den­tal). Le lende­main, Evola me réveille: “le gar­di­en du park­ing men­ace d’ap­pel­er la police”. Les Roms, rien à voir avec le ter­rain vague. De passage. 

Est 18

Bucarest — accordéon­iste assis sur un banc auquel manque une planche. La pluie cesse. Il déballe son instru­ment, pose une boîte de con­serve sur la  chaussée. Il joue pen­dant trois longs quart d’heure le pre­mier cou­plet du chant des partisans. 

H+ (2)

Plus besoin d’amis, d’amour, de Dieu. L’in­di­vidu est maître des trans­for­ma­tions. Il sur­mod­i­fie le corps et l’e­sprit. Au moyen d’outils psy­chiques et tech­niques, il cherche à attein­dre à chaque instant la jouis­sance la com­plète. Dynamique et obses­sion­nel, ce régime est néces­saire­ment soli­taire. L’homme est une entre­prise qui pro­duit du surhu­main (et du sous-humain). Gageons qu’une fois atteinte la lim­ite des pos­si­bil­ités de trans­for­ma­tion, l’in­di­vidu tran­shu­man­iste ressem­blera à ces usines aban­don­nées des ex-pays communistes. 

H+

La sépa­ra­tion (des sociétés, des familles, des sex­es, des races) est au cœur du culte tran­shu­man­iste. En cela, l’idéolo­gie qui informe cette pseu­do-reli­gion est fon­da­men­tale­ment anti-chrétien.