Palais des Ceaucescu. Aux alentours de cette colossale pâtisserie, le néant. Nous sommes samedi. Depuis l’hôtel, pas croisé une âme. La Dambovita charrie les eaux jaunes de l’orage à travers une ville fantôme. Pourquoi? Le jour est-il férié? Je désigne les arcades. Celles qui devraient être ouvertes sont fermées. Les autres sont abandonnées, démolies, brûlées, effondrées. De même que les immeubles. Deux sur trois sont borgnes. A l’horizon, le Palais. Presque rassurant. Evola l’a visité il y a vingt ans. Nous entrons par la petite porte. Vingt visiteurs, tous étrangers. Nous prenons la file pour obtenir un ticket. Devant nous, un Français au profil Guide Michelin. Sans un bonjour, une grosse femme lui aboie dessus: “avez-vous réservé! Vous comprenez ce que je dis! Alors, de côté!”. Le Français va rejoindre le groupe des refoulés que chapeaute un bonhomme en uniforme qui lui aussi aboie. Evola à ce mot: “c’est pour nous mettre dans l’ambiance”. Or ce sont juste des fonctionnaires. Frustrés. Un samedi. Dans Bucarest. Fin du projet de visite. Le Français reste. Nous lui souhaitons bonne chance. Retour dans le parc Izvor. Jeux d’enfants sans enfants. Kiosque à glace au rideau à demi tiré. Derrière un bosquet, une tente de camping. Puis, franchissant les grilles du parc, à nouveau ces immeubles verts de mousses, bariolés de graffiti, éventrés, tombants. Evola annonce qu’il se réfugie dans sa chambre. Je fais pareil, aligne des pompes, prend une douche, bois une bière, aligne d’autres pompes. A la faveur d’une accalmie je sors, arpente les rues du district rouge, regarde les filles se préparer, attends Evola sur la terrasse du Oktoberfest.