Est 21

Palais des Ceauces­cu. Aux alen­tours de cette colos­sale  pâtis­serie, le néant. Nous sommes same­di.  Depuis l’hô­tel, pas croisé une âme. La Dambovi­ta char­rie les eaux jaunes de l’or­age à tra­vers une ville fan­tôme.  Pourquoi? Le jour est-il férié? Je désigne les arcades. Celles qui devraient être ouvertes sont fer­mées. Les autres sont aban­don­nées, démolies, brûlées, effon­drées. De même que les immeubles. Deux sur trois sont borgnes. A l’hori­zon, le Palais. Presque ras­sur­ant. Evola l’a vis­ité il y a vingt ans. Nous entrons par la petite porte. Vingt vis­i­teurs, tous étrangers. Nous prenons la file pour obtenir un tick­et. Devant nous, un Français au pro­fil Guide Miche­lin. Sans un bon­jour, une grosse femme lui aboie dessus: “avez-vous réservé! Vous com­prenez ce que je dis! Alors, de côté!”. Le Français va rejoin­dre le groupe des refoulés que cha­peaute un bon­homme en uni­forme qui lui aus­si aboie. Evola à ce mot: “c’est pour nous met­tre dans l’am­biance”. Or ce sont juste des fonc­tion­naires. Frus­trés. Un same­di. Dans Bucarest. Fin du pro­jet de vis­ite. Le Français reste. Nous lui souhaitons bonne chance. Retour dans le parc Izvor. Jeux d’en­fants sans enfants. Kiosque à glace au rideau à demi tiré. Der­rière un bosquet, une tente de camp­ing. Puis, fran­chissant les grilles du parc, à nou­veau ces immeubles verts de mouss­es, bar­i­olés de graf­fi­ti, éven­trés, tombants. Evola annonce qu’il se réfugie dans sa cham­bre. Je fais pareil, aligne des pom­pes, prend une douche, bois une bière, aligne d’autres pom­pes. A la faveur d’une accalmie je sors, arpente les rues du dis­trict rouge, regarde les filles se pré­par­er, attends Evola sur la ter­rasse du Oktoberfest.