Est 19

Coups de ton­nerre au-dessus de Bucarest. Des éclairs de chaleur stri­ent le gris du ciel. A nou­veau, grande dif­fi­culté à trou­ver l’hô­tel. Le Old Bucuresti. Les pho­togra­phies sont trompeuses. Notre époque de mar­ket­ing général abuse du grand angle. Les cham­bres ressem­blent à des salons, les bâti­ments à des build­ings, les jardins à des ter­rains de foot. Puis il y a la fatigue. Pour entr­er en Roumanie depuis Sofia, j’ai roulé sur la plus dan­gereuse des routes. La voie est étroite, bom­bée, brisée, mais rec­tiligne. Sur le côté, des putains gitanes, des paysans, des car­cass­es de voitures. Tout le monde dépasse. Le rétro­viseur? A quoi bon? Le cal­cul de la dis­tance? Inutile. L’an­tic­i­pa­tion? Pour les mau­vi­ettes. Ici, la con­duite est une affaire d’hon­neur. Il faut défi­er la mort. Quand je peux, je me cache der­rière un camion, quand c’est impos­si­ble je serre les dents. D’où cette fatigue à l’ar­rivée, après qua­tre heures d’ef­froi. Et la journée n’est pas finie. Main­tenant que nous avons repéré l’hô­tel, il s’ag­it de gar­er la Dodge. Le géomètre était amoureux. Les cas­es dess­inées au sol sont naines. J’es­saie. J’es­saie encore. Je renonce. L’or­age éclate. Le récep­tion­niste accourt avec un para­pluie. Il désigne  un ter­rain vague. “Un park­ing offi­ciel”, dit-il. Je m’y rends. Une paire de Roms m’ac­cueille. Trop heureux de me débar­rass­er de la voiture, je paie. Nous man­geons chez un Ital­ien. Avec la nuit, la pluie cesse. Nous sor­tons: mille per­son­nes dansent dans la rue au son de la tech­no, des filles a demi-nues aguichent depuis les estrades, les stro­bo­scopes tour­nent. Pas de virus dans cette cap­i­tale sauf à l’hô­tel où les restric­tions sont appliquées à la let­tre, pour les touristes, dès fois que ceux-ci se met­tent en tête de cri­ti­quer le plan san­i­taire de l’étab­lisse­ment (le délire est tout occi­den­tal). Le lende­main, Evola me réveille: “le gar­di­en du park­ing men­ace d’ap­pel­er la police”. Les Roms, rien à voir avec le ter­rain vague. De passage.