Descente du cours bas de la rivière Tara à bord d’un raft. Rive gauche où nous avons mis à l’eau, le Monténégro, rive opposée la Bosnie. De part et d’autre la forêt prend sur des éboulements de roche, mêle ses racines à la pente, tire vers l’échancrure de la gorge. La cime est à cinq cents mètres. Les Polonais vont tête nue et debout, chantent et boivent et saluent ; nous doublons leur embarcation, pagayons selon les ordres de Vlad, glissons sur des rapides en cette saison tardive apaisés. Le long des rives, des installations népalaises et troglodytes, terrasses sur pilotis, huttes de branchage, bars de bois flottés. L’eau est belle, les fonds nets. Nous naviguons au-dessus des blocs de granit, des troncs pétrifiés, des galets géants. Entre les rapides, des bassins où nager. Les pieds devant, le courant vous entraîne. Sans le casque ni le gilet, le bonheur serait plus grand, mais je ne suis pas Polonais, je me tiens sous l’autorité du barreur. Au bout d’une heure de pagaie, arrêt côté bosniaque. Trois cuvettes creusées sur le passage d’une source contiennent bières et limonades. Nous buvons de la Niksicko avec des Berlinois et un Espagnol chevelu professeur d’université à Madrid. Surviennent les Polonais. Tous ont sauté à l’eau : vu leur poids, les remonter à pris du temps (le barreur attrape les bretelles du gilet de sauvetage et fait levier, mais au-delà des 80 kg, la manœuvre est hasardeuse). Ruisselants, agitant des bouteilles de vodka, ils filent vers le prochain rapide. L’excursion finit en début d’après-midi, là où la rivière change de nom, devient la Rina et entre en Bosnie.