Est 7

Restoran For­tu­na, à la croisée des routes bosni­aques et mon­téné­grines. Dana la patronne rêve de revoir Lau­sanne. Elle se sou­vient de sa prom­e­nade sur les bor­ds du lac il y a trente ans. Hormis les monastères dont toutes sortes d’im­ages sont affichées dans l’en­trée de la salle à boire, elle sem­ble surtout s’in­téress­er aux lacs. Lorsqu’elle trace du doigt des des­ti­na­tions pos­si­bles pour la suite de notre voy­age, toute amè­nent à des lacs. Peut-être est-ce par dépit: le lac de Bile­ca qui s’ou­vre sous ses pieds, devant le Restoran, est laid, ter­reux et flan­qué de berges imprat­i­ca­bles. S’il y a jmais eu des cafés, ils ont glis­sé dans l’eau. L’auberge-restau­rant est tout aus­si hasardeuse dans sa con­struc­tion. Donc peu touris­tique. Tor­due, grisâtre, dépeinte, repeinte, aban­don­née, reprise. Au demeu­rant fort sym­pa­thique. Je m’y sens bien. N’é­tait-ce le chien. Celui qui aboie sans dis­con­tin­uer. Après notre pre­mière nuit, Evola inter­roge la patronne. “Oui, admet-elle, c’est un prob­lème”. Ce qui laisse sup­pos­er qu’elle va résoudre le prob­lème. Aucune­ment. Deux­ième nuit, même cauchemar. Ici, pas de lit­téra­ture: ce chien, petit et jeune et noir, aboie sans dis­con­tin­uer. Le matin, Evola va le voir. Le chien s’ar­rête d’aboy­er. Bon­dit comme un cabri. Pleur­niche et joue. Evola s’éloigne, il se remet à aboy­er. “Il n’a pas mangé, il est attaché”, me dit-il. A la fin de la journée, je crois avoir une hypothèse: le voisin l’a attaché à la lim­ite de notre pro­priété pour punir la patronne du Restoran Fortuna.