A l’instant tombe la nouvelle, communiquée par le maire, de l’interdiction de sortie du territoire dès ce soir minuit. Enfin territoire, nous parlons ici d’un mouchoir de poche. Comment expliquerons-nous à nos enfants que nous n’avons pas pris les armes?
Mois : avril 2021
Identité
Lieux sans identité, ternes, blanchâtres, où travaille un personnel de rechange. Une route y mène, une autre en part. Vous arrivez par cette route et vous n’êtes personne. Au bar de ce lieu, près de la réception, il y a d’autres personnes, elles ne sont personne. C’est agréable. S’installer, demeurer là, vaut peut-être mieux que de repartir. Mais il existe d’autres lieux sans identité et pour demeure longtemps dans identité, il faut les rejoindre.
Barros
Sentiment de tristesse, dans la “calle Mayor” de Puente tout à l’heure à constater que l’épicerie Barros avait fermé. D’abord j’ai pensé — cela me ressemble: “les salauds, ils ont aussi eu raison de ce commerce!”. Mais non, la pancarte écrite à la main annonçait: ” fermé pour cause de retraite”. Triste car c’était par son agencement, son ambiance, ses propriétaires également vendeurs, l’une des ces épiceries à l’ancienne telle qu’elles existent encore en des lieux reculés de la campagne et ont disparu de nos paysages suisses sauf peut-être dans les montagnes secrètes des grisons ou du valais, soit une boutique où le père passe des fromages à la boucherie sans changer le tablier, la femme conseille sur les produits et la fille tient la caisse et compte les sous. Avec ça des miels et des saucisses et des pains achetés aux artisans, des boîtes-conserve de fabriques installées dans les années 1950, des piles de morue de Cascais et d’Aveiro, des blocs de Turrón au moment de Noël. Je n’aime pas voir disparaître ce qui est humain, surtout quand ce qui vient porte le masque de la sympathie afin de mieux cacher le cynisme de l’industrie.
Monter
De la pluie, encore, je crois parler d’un autre pays, détaché du continent latin, perdu aux septentrions. Sorti sur le seuil, une bière à la main, je regarde tomber. Puis j’en ai assez, je m’équipe, pose sur le pavé le vélo jaune nucléaire (sa couleur listée), pédale et grimpe. Agrabuey gisant au fond d’un trou, qui veut s’échapper grimpe. Pente courte mais raide. Par sections, du vingt pour cent. Je suis sorti de pénates à la bonne heure, celle de la méditation, les autres mangent, il est 15 heures. Au col qui est tout proche, 1,8 km, je bascule côté vallée. Remonte dans l’autre sens, bascule côté village et recommence. En moins d’une heure, huit cent mètres, rien que de la pente: La Suisse en Espagne. Arrivé au bout de la petite excursion, j’ouvre une autre bière et me trouve fort bien car j’ai l’idée d’un défi, juste là, derrière les murs de la maison du Quartier des Champs — faire non pas deux aller-retours, mais cinq, à terme dix.
Honte
Aux écrivains qui participent au Salon du livre en ligne. Qu’ils n’écrivent plus jamais, rien, puisqu’il n’osent pas dire, pas contester, pas sortir d’eux-mêmes, puisqu’ils ne savent que baisser la tête pour recevoir le licou et jugent pouvoir être et devenir, et être entendus dans les conditions actuelles, c’est à dire futures. Honte!