Istrialandia

Par­ti sans grande con­fi­ance, je roule au pas les pre­miers vingt kilo­mètres. Petit brouil­lard, ciel bas, nuages effilochés. Relief  de vig­no­bles per­chés sur la mer. Douché à froid pen­dant cinq min­utes la jambe droite avant d’en­fourcher le vélo, tout va bien, l’ef­fort n’est pas trop deman­deur. Au bout de deux heures, j’au­rai envie de mon­ter à trente kilo­mètres l’heure en danseuse: je me retiens. Il vaut mieux: nous ver­rons demain, à froid, au réveil, si je tiens debout. La 75 qui mène d’U­mag à Pula par le sud de l’Istrie n’est pas très fréquen­tée (il y a en par­al­lèle une autoroute), mais à l’oc­ca­sion survient un camion, un bus ou un fou qui fait trem­bler le cycliste. Prévu de dormir à Vod­n­jan, où je trou­ve un vil­lage mangé aux mites, humide comme l’éponge, en par­tie désert. A Pulau, refu­sant un hôtel à Euros 57.-, je vexe le pro­prié­taire (toute per­son­ne occi­den­tale est riche), trou­ve un Appart­man. Même pro­prié­taire que dans toutes ces villes croates du bord de mer, en Mer­cedes, gen­til, effi­cace, prend l’ar­gent, donne les clefs, s’en va. Toute l’opéra­tion, cinq min­utes. Ce soir, la cham­bre est lux­ueuse. Décorée de mar­bre, vaste, fenêtre sur cour, cui­sine. Pour le vélo, “met­tez le où vous voulez, vous êtres seul à dormir dans le bâti­ment.” Troisième étape de la prise de pos­ses­sion de Pulau, une ter­rasse à bière. Que je trou­ve le long de la prom­e­nade, ce qui me per­met de prof­iter de l’am­biance étrange de la ville, un mélange de résig­na­tion est-européenne mar­quée de soviétisme et de non­cha­lance ital­i­enne. Plus tard, assis avec une Staro­pranem et un sachet de cac­a­houètes sur deux chais­es super­posées, au milieu du marché de la ville, à cette heure désert. En out­re, j’ai appris que pour rejoin­dre Zadar on pou­vait pass­er par l’île de Pag.