Nu

Comme nous descen­dons l’Anayet, pic rocheux aux pentes mieux faites pour les chèvres que pour les hommes, un ran­don­neur hurle dans la pente. En tête du groupe, je me retourne, jette un œil rapi­de et vois qu’il est nu. Les autres, plus lents, pour­suiv­ent, con­cen­trés. L’én­er­gumène s’ap­proche. Sur le point de nous dou­bler, il émet un bruit. Cha­cun se retourne. Pas moi (je sais ce que je vais voir). Le chef d’équipée, sur­pris mais espag­nol, s’ex­clame : “mais enfin t’es à poil!”. Et la con­ver­sa­tion s’en­gage. L’ex­hi­bi­tion­niste a soix­ante ans. Sec comme une réglisse. La bite en pen­de­loque. Jus­ti­fi­ant. Puis assez! Il trisse. En moins d’une minute, galopant comme il galope, il prend deux virages le long du sen­tier, me dépasse, s’en va. En bas, qui com­mence l’as­cen­sion, une famille, des goss­es. Je con­tin­ue à mon rythme, puis craig­nant de pass­er pour un pré­somptueux, je m’assieds sur une pierre, attends les com­pagnons. Le guide me dit: “tu as vu?” ‑Oui. “Mais après, tu as enten­du?”. ‑C’é­tait donc ça, ce cri? L’én­er­gumène exhibant son out­il, c’est lui qui avait gueulé dans la mon­tagne après nous avoir dépassés. Parce que le guide, passé le bref échange, avait pris une pho­to de son out­il. “Et main­tenant, demande le guide, où est-il?” . En effet, on ne le voit plus. Or, l’én­er­gumène n’a pu dévaler aus­si vite. Nous avons 330 mètres de sen­tier, et vis­i­ble. Inqui­et, le guide fait: “Alexan­dre, ce type s’est embusqué, il m’at­tend, il va surgir!”.