Mouvement 29

Déjà dit, ce soir j’é­tais remon­té. Pour ne pas lut­ter con­tre les arbres, bris­er un objet ou me jeter du bal­con de Sir­ius 23, je sors avec mes haltères. Séance de sport. Escalier dans les pis­senl­its, accès au ter­rain. Exer­ci­ces pour idiots, sueur et fatigue. Soudain, il est tard. Je ne sais pas moi, mal con­trôle de l’hor­loge, et surtout, pas encore avalé de bière. Bref, retour dans notre loge­ment-échap­pa­toire, Gala me reçoit en cui­sine: “com­ment va-t-on faire!”.  Ce n’est pas une ques­tion. Trois heures plus tôt, elle était habil­lée, voulait que je fasse chauf­feur pour la descen­dre au vil­lage. Non-Non. Fini, main­tenant elle a repassé son pyja­ma. J’empoigne ce qu’il faut, cette camelote de l’homme mod­erne, les clefs-con­trôle, le fric plas­ti­fié, le cabas éco­logi­co-recy­clable et je me mets au volant de mon truc roulant de 2500 kilos pour me ren­dre au creux de la mon­tagne et acheter un pain, un beurre, du café. En bas, après achats, je recule la voiture, la voici qui s’ar­rête. Sur l’écran, un mes­sage. Jamais vu. Chara­bia yan­kee: “cruise-tank-netlink-autostop”. Dodge me par­le. Je com­prends pas. J’éteins. Le moteur. Je ral­lume. Le moteur. Dodge con­tin­ue. Par­le. Com­prends pas. Ennuyé, car je suis au milieu de la route. “P… de bour­geois¨”- moi, c’est moi ce putain de bour­geois qui a besoin d’un 4 x 4 pour acheter un paquet d’en­dives. Les ouvri­ers por­tu­gais que je bloque, ils ont rai­son. Deux trois manip­u­la­tions, eh les gars, je fais de mon mieux. Vous voyez… j’es­saie! Avant de con­clure à part moi : impos­si­ble. Calme, dégoûté, je sors de la voiture, je m’a­chem­ine vers une ter­rasse de bistrot. Pour boire un canette. Dernier coup d’œil: une dizaine de voitures en attente. Ma Dodge? Que Dodge apporte la solu­tion depuis les Etats-Unis! Qu’on l’emmène! Seule­ment, au vu de la tête que font les buveurs en ter­rasse, je suis le seul à penser ain­si. En Suisse, pas comme ça. Donc je me rec­ol­loque le cerveau. A l’év­i­dence, ces gens n’ap­pré­cient pas que je boive ici, une canette, par­mi eux, avec là, mon tank. Prenant acte, je remonte en houa­ture (comme dit Que­neau). Et la houa­ture repart.