Déjà dit, ce soir j’étais remonté. Pour ne pas lutter contre les arbres, briser un objet ou me jeter du balcon de Sirius 23, je sors avec mes haltères. Séance de sport. Escalier dans les pissenlits, accès au terrain. Exercices pour idiots, sueur et fatigue. Soudain, il est tard. Je ne sais pas moi, mal contrôle de l’horloge, et surtout, pas encore avalé de bière. Bref, retour dans notre logement-échappatoire, Gala me reçoit en cuisine: “comment va-t-on faire!”. Ce n’est pas une question. Trois heures plus tôt, elle était habillée, voulait que je fasse chauffeur pour la descendre au village. Non-Non. Fini, maintenant elle a repassé son pyjama. J’empoigne ce qu’il faut, cette camelote de l’homme moderne, les clefs-contrôle, le fric plastifié, le cabas écologico-recyclable et je me mets au volant de mon truc roulant de 2500 kilos pour me rendre au creux de la montagne et acheter un pain, un beurre, du café. En bas, après achats, je recule la voiture, la voici qui s’arrête. Sur l’écran, un message. Jamais vu. Charabia yankee: “cruise-tank-netlink-autostop”. Dodge me parle. Je comprends pas. J’éteins. Le moteur. Je rallume. Le moteur. Dodge continue. Parle. Comprends pas. Ennuyé, car je suis au milieu de la route. “P… de bourgeois¨”- moi, c’est moi ce putain de bourgeois qui a besoin d’un 4 x 4 pour acheter un paquet d’endives. Les ouvriers portugais que je bloque, ils ont raison. Deux trois manipulations, eh les gars, je fais de mon mieux. Vous voyez… j’essaie! Avant de conclure à part moi : impossible. Calme, dégoûté, je sors de la voiture, je m’achemine vers une terrasse de bistrot. Pour boire un canette. Dernier coup d’œil: une dizaine de voitures en attente. Ma Dodge? Que Dodge apporte la solution depuis les Etats-Unis! Qu’on l’emmène! Seulement, au vu de la tête que font les buveurs en terrasse, je suis le seul à penser ainsi. En Suisse, pas comme ça. Donc je me recolloque le cerveau. A l’évidence, ces gens n’apprécient pas que je boive ici, une canette, parmi eux, avec là, mon tank. Prenant acte, je remonte en houature (comme dit Queneau). Et la houature repart.