Dans l’archipel des Mergui avec seize Chinois, membres de la même famille. L’aînée va sur les quatre-vingts ans, le puîné tient à peine debout. Entre les deux, surtout des jeunes filles nubiles. Tous les quarts d’heure elles se changent. Dès qu’il a quitté la forêt de mangroves à laquelle est adossé un Bouddha (« C’est une fille, me répète Aplo ») couché de 250 mètres, le hors-bord vole plus qu’il ne navigue. Quand il ralentit, les Chinoises se prennent en photographie. Les poses rappellent les catalogues de coiffure et la télévision. Elles sont charmantes et fines. D’une extrême gentillesse. L’incommunication est totale. Je les prends en photo. Elles nous invitent au milieu du groupe, jouissant déjà de l’impression qu’elles feront auprès de leurs copines de Taipeh (je le sais par la déclaration de police, qui exige la provenance des visiteurs) quand elles montreront les « touristes blancs ». Le bateau zigzague entre des forêts rondes émergées de l’eau. Dans l’après-midi, nous atteignons une île en forme de dragée. Une côte est couverte de galets. Les formes sont étonnantes de rigueur géométrique. En les faisant sauter dans la paume de la main, on imagine le travail des siècles. Je ramasse des pièces ovales et rondes. Galets gris, noirs, parfois d’un roux translucide. Un sentier conduit à l’autre versant de l’île. Sable étincelant, eau transparente. Beaucoup mieux que les cartes postales trafiquées par les marchands de bonheur. Et planté comme une épine dorsale tombée du ciel, au milieu de la plage, une rocher noir troué à sa base. On passe par-dessous, à travers une porte naturelle, pur gagner uen seconde étendue de sable, tout aussi lumineuse.