Arrivé en bus après avoir mis en carton et renvoyé le vélo par la poste à Calatayud, car j’oubliais: en novembre, le jour se lève à 8 heures, la nuit tombe à 17h30. Un heure pour manger, de courtes pauses afin de se repérer, une demi heure de plus. Reste huit heures. Exactement ce que j’ai roulé en deux jours, seize heures. Insuffisant. Pour atteindre l’aéroport de Barajas, il me faudrait encore abattre 180 kilomètres. Possible, mais pas en huit heures. Du moins avec un vélo chargé de sacoches. Au lieu de quoi je passe la soirée dans un bistrot bulgare de Guadalajara, en face de mon dortoir, seul client de la soirée. Le lendemain, je cherche la “oficina central de Correos” pour récupérer les habits que je me suis adressés en poste restante. C’est peu dire que j’ai l’air d’un clochard ou d’un demeuré: pas rasé (oublié ma trousse de toilettes), le visage fatigué et rougi par le froid, les cheveux en bataille, attifé d’un maillot jaune, d’un pantalon chiffonné et des baskets maculées de boue. Un facteur me renseigne. L’office de poste se trouve dans la partie haute de la ville. Sur place, je trouve un Mexicain. Il répare un néon. Désigne un commutateur. “Pour entrer, vous appuyer”. A l’intérieur, des cases et une machine. Mes habits seraient donc dans ce coffre jaune? Perplexe, je touche l’écran du bout du doigt. Il s’éclaire. Demande un code. Sur mon téléphone, pas d’internet. Je trouve tout de même la quittance numérique, mais ne peux afficher l’annexe. Celle qui contient le numéro. Je retourne au dortoir. En chemin, un autre facteur.
- Mes habits se trouvent dans cette boîte électronique, c’est bien ça?
- Habits? Quels habits?
J’explique.
- Non, mais non! C’est la porte suivante!
En effet, de retour dans la rue, je passe sous l’échelle du Mexicain, trouve une porte cachée, entre dans un bureau où travaillent des humains. Là, une guichetière me remet mes chaussures, mon jean et ma veste.