Le Cardinal de Retz nous raconte ses duels et ses troussages, son ambition politique et ses calculs de mariage. Comme Stendhal, qui fait d’ailleurs l’éloge de l’aîné dans ses Mémoires d’un touriste, voyage en Bretagne et en Normandie, il court, observe, entreprend, fait et défait. Bref, tous deux s’agitent. Déportés ici, exilés là, ils visitent la France, passent de la visibilité à l’invisibilité. Ce que nous ne pouvons aujourd’hui. Certes, les déplacements sont incessants. Voiture, train, avion, tour du monde. Le plus souvent, nous allons immobiles, assis, transportés tels des paquets entre les mains d’une équipe de livraison. Quant à nos trajectoires, elles sont commerciales, donc dégagées, coordonnées et conformes. Impossible de s’échapper. L’esprit d’aventure qui anime le Cardinal comme Beyle (ainsi que se nomme Stendhal, qui aime parler de soi à la troisième personne) tient à la possibilité de s’essayer sans cesse sur des scènes différentes. S’il y a échec, il leur suffit de s’en aller. Réputation gâchée à Versailles? En route pour Paris. Une conjuration déjouée en Bretagne? A cheval! Cette folle agitation n’est pas insensée. Ces hommes-là accumulaient en quelques années une expérience inédite. La France d’hier était plus vaste que le monde d’aujourd’hui.