Notes de voyage — 5

Je pho­togra­phie les coqueli­cots. Dans mon enfance, près de Madrid, lorsque nous allu­mions des feux dans les collines pour griller la viande, il y avait au bord des routes de grandes tach­es rouges: les coqueli­cots; je n’ai plus l’oc­ca­sion d’en voir. Et puis le paysage fait d’im­menses ter­res cul­tivées, labours, blés, guérets, tertres, tracteurs sur l’hori­zon, ne don­nerait rien à l’im­age. Côté routes en revanche, c’est un bon­heur. Les per­spec­tives sont améri­caines, les inter­sec­tions coupées au cordeau. Un Lati­no à qui je fais signe arrête sa bat­teuse, me donne la direc­tion (il est doué, car sans le savoir le hameau que j’indique est à 60 kilo­mètres) et apprenant que j’ar­rive de Mala­ga, me serre la main. Le soir, je suis à Vil­lanue­va de Jara, dans une Hostal Rur­al. Voilà quelques jours, Gala est par­tie pour Nice. Depuis, habi­tude neuve et si récon­for­t­ante, j’ar­rive à la join­dre chaque jour selon le rit­uel suiv­ant : je sonne deux fois (ma carte à points se viderait si j’avais à tenir la con­ver­sa­tion depuis mon numéro), elle rappelle.Ce soir, à la veille de son embar­que­ment pour Catane, elle me dit que si elle avait à mourir, elle ne voudrait pas que l’on embête son fils avec ses affaires, que je suis beau (elle dit tou­jours le con­traire) et intel­li­gent, mais impa­tient, et que si je le veux je pour­rai venir à son enter­re­ment. Je réponds que je suis dans la cour d’un ferme et qu’un type arrose au jet un sac qui con­tient vingt kilos d’escar­gots. Plus tard, j’écris ce mes­sage: “ne meures pas!”