Je photographie les coquelicots. Dans mon enfance, près de Madrid, lorsque nous allumions des feux dans les collines pour griller la viande, il y avait au bord des routes de grandes taches rouges: les coquelicots; je n’ai plus l’occasion d’en voir. Et puis le paysage fait d’immenses terres cultivées, labours, blés, guérets, tertres, tracteurs sur l’horizon, ne donnerait rien à l’image. Côté routes en revanche, c’est un bonheur. Les perspectives sont américaines, les intersections coupées au cordeau. Un Latino à qui je fais signe arrête sa batteuse, me donne la direction (il est doué, car sans le savoir le hameau que j’indique est à 60 kilomètres) et apprenant que j’arrive de Malaga, me serre la main. Le soir, je suis à Villanueva de Jara, dans une Hostal Rural. Voilà quelques jours, Gala est partie pour Nice. Depuis, habitude neuve et si réconfortante, j’arrive à la joindre chaque jour selon le rituel suivant : je sonne deux fois (ma carte à points se viderait si j’avais à tenir la conversation depuis mon numéro), elle rappelle.Ce soir, à la veille de son embarquement pour Catane, elle me dit que si elle avait à mourir, elle ne voudrait pas que l’on embête son fils avec ses affaires, que je suis beau (elle dit toujours le contraire) et intelligent, mais impatient, et que si je le veux je pourrai venir à son enterrement. Je réponds que je suis dans la cour d’un ferme et qu’un type arrose au jet un sac qui contient vingt kilos d’escargots. Plus tard, j’écris ce message: “ne meures pas!”