Kiev

Les taxis ! Vous savez qu’ils trichent. Vous ignorez com­ment. Ils trichent. Com­ment, vous le décou­vrez après coup. A pied de quai, je négo­cie le prix avec le chauf­feur (je me suis ren­seigné, c’est 20 Euros). Il indique le comp­teur. Soit. Mais le comp­teur est fal­si­fié. Je m’en aperçois, dès que nous sommes en route. L’aéro­port dis­paru, le chauf­feur arrête le voiture, retire de son toit le signe TAXI. Puis il fait la con­ver­sa­tion: son but, savoir com­ment je vais réa­gir à l’ar­naque.
-Pre­mière fois à Kiev?
-Non, je viens sou­vent.
-Touriste?
-Tra­vail.
-A l’hô­tel?
-Trop cher, je dors chez des amis.
Après deux ou trois banal­ités, le chauf­feur est pris de ner­vosité. Moi aus­si. Encore loin du cen­tre, le comp­teur affiche une somme trois fois supérieure au prix. Au lieu de me repli­er, je me déploie (sur le siège arrière). La ner­vosité est pal­pa­ble. Le chauf­feur ne cesse de louch­er dans son rétro­viseur. Lorsqu’il me dépose, je tente l’hu­mour.
-Je ne suis pas Améri­cain.
Et je divise le prix par qua­tre. Longue dis­cus­sion. Con­traire­ment à ce que je craig­nais, aucune men­ace. Le ton demeure cour­tois. Tout de même, je paie plus que le prix. Bref, le strat­a­gème a payé. Me voici entre un Fast-food et un petit cirque, au pied d’une bâti­ment gris flan­qué d’une porte en fer. La rue donne sur une place de type sovié­tique. En son cen­tre, sur une haute colonne, une étoile rouge. Des tramways, un opéra pop­u­laire, des kiosques à café, des petits bus jaunes, du soleil, des filles ravis­santes à la peau diaphane. Evola a dit “je serai assis sur le trot­toir ou, s’il doit pleu­voir, au restau­rant japon­ais le Myaka­mi”. J’ig­nore si l’adresse (en cyrillique, invéri­fi­able) est la bonne, mais il a un Japon­ais. Per­son­ne ne vient. Quant à mon télé­phone, il ne fonc­tionne pas. J’ar­rive au deux­ième ren­dez-vous, rue Maid­en, en soirée et trou­ve Evola et Mon­a­mi instal­lés devant des bières au pre­mier étage d’un bar de la taille d’un demi ter­rain de foot­ball.
-Com­ment avez-vous fait pour vous recon­naître, demandé-je à Evola, vous vous voyez pour la pre­mière fois, n’est-ce pas?
Evola: “Je n’ai pas eu à réfléchir, je suis allé droit sur lui. Il n’avait pas l’air d’i­ci.“
Plus tard, de retour à l’ap­parte­ment, je vois que j’at­tendais à la bonne adresse, bien que le restau­rant japon­ais porte un tout autre nom que celui indiqué par Evola. Main­tenant, il est deux heures du matin et nous buvons au bar d’un hôtel mal éclairé. Des Ukrainien ivres veu­lent nous emmen­er dans une dis­cothèque “de l’autre côté de la rue”. “Elle est juste là”, répè­tent-ils. Il fait noir, l’av­enue est large, pas une seule enseigne.