Tir aux pigeons dans une banlieue de la capitale. Au bout d’une allée encadrée d’arbres dont les branches ont été tronçonnées, un tank. Trois hommes en kaki fument. Nous rejoignons le stand à pied. Tirons en plein champ. Les lots de cartouches épuisés, retour sur le chemin. Photo de ces arbres violentés qui ressemblent à des pieux. Dans la forêt, des coups de feu. Autre stand. Brinquebalant. Sorte de masure pourrie sur les rives du Mékong. L’instructeur, lui, est solide. Patibulaire même. Et crasseux, brutal. Les yeux plein d’alcool, le T‑shirt en sueur, une pistolet à la hanche, il est entouré d’adolescents qui font leur baptême. Alors qu’il nous fait signe d’approcher, un tireur décharge sa Kalaschnikov. Mon oreille qui siffle toute l’année, réagit mal. Je me jette sur les Pamirs. Des loques. Ne protègent pas. Heureusement, j’ai sur moi des tampons de cire. Je les cale. Suffit pas. Mais surtout, le tireur semble dangereux. Cigarette au bec, il retire le magasin de l’arme entre deux coups, tape sur la culasse, envoie des pruneaux trop bas, dans la clôture, trop haut, dans le talus. Evola et Monami tirent assis sur un tabouret bancal, le canon posé sur un bloc de vieille mousse. Je passe mon tour, vais dans la forêt. Une rombière en minijupe, la tignasse décolorée, s’amuse avec son caniche. Elle a une hache à la main. Son marie fouille le coffre de la voiture. La rombière va au stand, embrasse le patibulaire. Je regarde ce que fait le chien. Il évite les balles. Le patibulaire laisse le stand aux tireurs. Il vient saluer le chauffeur de la voiture. Ensemble, il tirent du coffre le matériel d’un pique-nique. Ils vont boire et manger au milieu des coups de feu.