Villages de bois dans la vallée que forme la rivière Loei en direction de Phu Rua. La route monte, descend, monte encore. Par endroits, on devine des toits rouges au milieu des palmiers. Le chauffeur a embarqué une jeune fille. Une cliente ou sa fiancée. Assis à l’arrière, seul autre passager sur cette course, je les écoute bavarder. Un éclair divise le ciel. Pour ne rien perdre de ces hameaux enfouis dans la savane, je me pousse contre la fenêtre. La vitre teintée donne à la scène un air de crépuscule. Les premières gouttes éclatent. L’averse tombe. Lancé à pleine vitesse, le chauffeur double des camions de paille, de canne, de sable. Il remonte des dizaines de collines. Toutes offrent à leur sommet les mêmes pépinières. L’eau du ciel inonde, des gargouilles de terre rouge giclent contre la camionnette. Chapeau conique sur la tête, accroupis, des employés bouturent et nettoient des plantes naines. En 2013, j’ai emprunté cette route dans l’autre direction. Avec Gala, nous revenions de Vientiane. Enfin, du beau pays! Vert, primitif, dans son écrin. La plupart du temps, derrière les garages de tôle, derrière les hangars et les stations-service qui bordent les routes de l’Isan, on n’aperçoit qu’un territoire plat et sale. Trois heures que nous roulons. Je m’inquiète. Le billet a coûté Fr. 4.- Cela ne paie pas la moitié de l’essence dépensée dans ces montagnes. De plus, je n’ai pas le cœur à converser. Au camp, il a fallut partager, jouer l’amitié circonstancielle. Le silence est le bienvenu. Que la passagère entretienne le chauffeur m’arrange bien. D’ailleurs, ils s’entendent à merveille. Installé quatre rangées plus loin, dans une demi-obscurité, c’est à savoir s’ils ne m’ont pas oublié. Mais non, à la fin, nous arrivons au terminal de Mueng Loei, le chauffeur fait glisser la porte, les mains jointes, il me remercie. Je le félicite pour sa conduite et monte dans un tuk-tuk. Quelques minutes et je suis au jardin botanique.