Tempête de neige sur New-York. Col relevé, bonnet sur le front et capuche rabattue nous marchons comme tant d’autres dans les rues sombres du quartier des Finances. Un Japonais se met au garde à vous devant le bâtiment du Stock exchange. Il vocifère. La police observe. Plus loin, un cheval souffle de l’air par les narines. A l’enseigne des fast-foods, dans des halles désincarnées munies de machines à boisson, machines à nourriture et distributeurs d’argent, des clients de tous les âges pianotent sur leurs ordinateurs. Alignés, en vitrine, ils ne s’interrompent que pour siroter des gobelets de carton. Nous descendons par un escalier roulant sous le One building (celui qui remplace les tours jumelles) et déambulons à travers cette architecture blanche, monumentale, lumineuse, ovale, inspirée par l’intérieur du corps d’une baleine. A la surface, dressant ses os dans le ciel neigeux, le squelette. Les multinationales tiennent boutique dans ce ventre de marbre, servies par des latinos en uniformes. Seuls point noirs dans le dispositif, les passagers qui émergent du métro et les militaires mitraillettes au poing. Aucun badaud. Tout ce qui vit est en mouvement. Plus bas dans Manhattan, Battery Park. Au large, sur son île entourée d’eau couleur plomb la statue. Un ferry de touristes frigorifiés se détache de l’ancien bâtiment des douanes par lequel, dit la plaque, “entre 1915 et 1950 arrivèrent huit millions d’émigrés”.