Un bus de banlieue à Genève. Il pleut. J’ai rendez-vous. Sept heures, à peine, il fait nuit, déjà. Jamais je ne prends le bus. J’ose dire: cela fait trente cinq ans que je ne suis pas monté dans un bus en Suisse (exception: la ligne 10 pour l’aéroport, à l’aube, chargé de valises). Seulement j’arrive de Lausanne, de la cérémonie du baccalauréat, je n’ai pas le temps de marcher, je suis en retard. Et une fille accompagné d’un garçon de dix ans, assise sur le côté soudain fait : “Alexandre?“
Encore agacé par ce cirque d’adultes, je rétorque :
-Je ne te connais pas.
-Mais si, si…
-Tu nous avais aidé à squatter! Après avoir cassé les portes, tu t’étais hissé sur le toit de la maison pour planter le drapeau.
-Tiens, tiens! Où ça?
-Rue des Photographes.
Et en effet, peu à peu.
-Tu m’avais aussi aidé à traduire.
-De quel langue?
-De français en français. Un texte incompréhensible, de l’Ecole de Francfort.
-Adorno, Horkeimer… Oui, j’aime bien.