A seize ans, peut-être dix-sept, je suis venu à Florence avec D. De ce voyage, il me reste deux images, une traversée du Vieux-pont qui se résume à une représentation du pont (j’imagine que nous l’avons traversé) et, aux Offices, la station de D. devant la Naissance de Vénus, entre la toile et un divan plat, en bottes, habillé de noir, cheveux ras, droit comme un piquet, une heure durant. A la fin, il eut ce commentaire:
-Une heure. Un minimum.
A l’instant, je sors une fois de plus en direction de Santa-Croce à la recherche d’un T‑shirt et d’un carnet (difficile de trouver des produits utiles dans le centre de Florence; des marchands de couleurs, des trattoria, des céramistes, des antiquaires, des tamouls dépanneurs, mais pas de carnet, de casserole ou de T‑shirt) et je m’étonne de la justesse des ambiances captées par les caméras de Risi, Scola ou Fellini à l’époque de la nouvelle vague: entre désordre et savoir-vivre, conversations lancées, terrasses minuscules et motos acrobates, cette Italie des cinéastes qui semblait mythique vue de l’étranger est toujours vivante. D’ailleurs, au pied de notre immeuble, sur la piaza Dei Ciompi, un équipe tournait une film; il y avait tant de badauds que nul n’aurait pus dire quelles étaient les limites de la scène.