Montant dans le train pour l’Italie, je dis à Gala:
-Méfie-toi, ta valise ressemble à toutes les valises noires.
Sortie du train, en gare de Milan, comme Gala s’avance vers le compartiment à bagage, la valise à disparu. Elle s’élance sur le quai, fend la foule, disparaît, revient bredouille. Des agents approchent, un policier. Gala remonte dans le train, désigne la seule valise qui n’ait pas été réclamée (le train qui continue sur Naples est bondé, comment peut-elle savoir que cette valise, noire comme la sienne, noire comme toutes les valises noires, est la valise de la personne qui a emporté sa valise noire?). Le contrôleur descend le bagage. Sous le regard des agents, nous l’ouvrons. Dans la poche extérieure, un contrat d’embauche. Maria Espinosa Ramos Kugler. Femme de ménage.
-Zut, une Sud-Américaine! Tu n’est pas près de revoir ta valise!
-J’ai tous mes médicaments!
-Tiens, un numéro de téléphone.
J’énumère, Gala compose. La sonnerie retentit. Nous avons notre correspondance pour Florence dans dix minutes. Pas de réponse. Un des agents assure qu’il convertira nos billets, nous embarquera dans la train suivant. Gala refait le numéro. Elle gesticule et s’exclame, c’est bon, elle est en conversation, marche le long du quai, lève les bras au ciel. Le policier avance une petite voiture, Gala monte, je cours, elle me crie: “Quai 6, une Péruvienne!”. Arrivé là, personne. Je veux dire, mille, deux mille voyageurs, des nonnes, des Chinois, des Russes, des Scandinaves, des Andins, tout ce que la terre porte, à part des Aborigènes, des Inuits et la Péruvienne. Nous volons de valise en valise.
-Si elles se ressemblent toutes, comment faire?
-Je la reconnaîtrais entre mille!
(C’est ça!).
Gala plonge. Six agents suivent. Quand elle émerge, elle est dans les bras du policier et plaisante et roule sa valise. Nous sautons sur la petite voiture qui accélère. Les piétons giclent, on nous pousse dans un wagon, le train pour Florence démarre.